INFOS PRATIQUES SUR LE TIBET EST
Cette partie du Tibet est nettement plus confortable à parcourir à vélo que la TAR (Tibet Autonomous Region) autour de Lhasa. La première raison, déjà, est que toute cette région est désormais ouverte pratiquement sans limites au tourisme, même individuel, même (ô horreur) à vélo, sans checkpost à franchir nuitamment et sans trembler au passage du moindre véhicule de police. Ce n'est pas un mince avantage.
La deuxième, c'est que les villes et bourgs y sont plus nombreux, et de même ouverts pratiquement tous à nos amis Etrangers. On trouve généralement un bourg tous les 100-120 km, il est donc souvent possible, malgré l'état de certaines pistes, de parcourir la majorité de ce Tibet sans lourd matériel de camping, popote etc (avoir quand même un duvet, les hôtels n'ont pas tous une literie très fiable), en réalisant des étapes quotidiennes de 100 km (quitte si besoin à récupérer de temps en temps un ou deux jours). Enfin, je dis ça pour les jeunôts qui sont costauds et connaissent rien à la vie, âcrébonsang de malapris, pfcht ! (glaviot du troisième âge aigri, malgré sa verdeur). Au pire, deux bourgs se rallient en deux ou trois jours, plus si vous êtes encore plus fainéants que moi.
La troisième, c'est que, à côté de pistes d'un état exécrable comme on n'en trouve peu dans le Tibet Central, pas mal d'axes sont grandement goudronnés, sur fréquemment 200 km à partir des grandes villes du pourtour (Chengdu, Lanzhou, Xining). Evidemment, plus on s'enfonce dans l'intérieur, et surtout de plus en plus vers les hauts plateaux de l'Ouest, et plus on trouvera de la piste.
On trouvera ci-dessous quelques infos générales, dont certaines concernent tout autant la Chine elle-même, le mode de vie de cette région étant évidemment très influencé par le mode de vie chinois général.
PEDALAGE
Le long des routes : attention, il n'y a pas de bas-côté, mais le plus souvent un fossé ouvragé. Certes pas profond (50 cm), mais suffisant pour se casser la g... si l'on n'y prend pas garde. Dans les villes, aussi bien à vélo qu'à pied, gaffe dans les rues : il n'est pas rare de « tomber » sur des bouches d'égout grande ouvertes, ou autres ouvrages non terminés ou déjà bien abimés ou vandalisés, juste sur son chemin (chaussée ou trottoir), mais c'est un « classique » des pays en développement - cela dit, dans des villes que les Chinois essayent de construire « propre », ça surprend toujours un peu.
Il existe des réparateurs / vendeurs de matériel vélo dans presque tous les chefs lieux de comté (les fameux bourgs tous les 100-150 km), ce qui exclue Langmusi qui n'est qu'un gros village. Bien sûr, le matériel y est extrêmement basique, mais au moins, hors les réparations de fortune, vous pourrez généralement trouver des pneus et chambre à air de dimension VTT, des câbles, voire des patins de frein de dépannage. Chambre à air bien entendu à valve indienne, prévoir donc une pompe bi-valve à raccord direct (les raccords souples de pompe à valve étroite ne s'adaptent pas bien). A noter qu'on peut trouver de bonnes pompes à pied légères et pas chères (35 yuans à Lhasa, il n'y a pas de raison que ce soit plus cher dans l'Est Tibet), avec les deux types de raccord. Les pneus, vu le prix (15 yuans souvent), et étudiés pour le transport de charges lourdes soutiennent finalement la comparaison avec bien d'onéreux pneus occidentaux - j'en ai vu avoir une durée de vie supérieure à ces modèles sophistiqués plus faits pour le vélo en ville ou les épreuves sur bitume parfait, que pour les pistes avec 30 kg de bagages ou plus.
ALIMENTATION
Mesures des poids pour le vrac (fruits, légumes, bonbons, gâteaux etc...) : généralement en livres (yi djin' = 500 g), ne pas se laisser surprendre par des prix apparemment alléchants (ils le restent quand même bien souvent).
Soupes de nouilles toutes faites en sachet : sans pouvoir faire une théorie générale, il me semble que les sachets avec la couleur rouge fréquente sur l’emballage sont souvent les plus épicés, tandis que ceux avec des couleurs pâles (jaune surtout) seraient souvent peu ou pas épicés. Dans tous les cas, toujours tester du bout de la langue les différents petits sachets à l'intérieur (sauce viande, poudre, parfois morceaux de légumes/viande sèche), avant de les verser tels quels dans la popote : certains sont fortement épicés.
On peut aisément remplacer le sachet de poudre, goûteux mais souvent fort épicé, par de la poule au pot, vendu en poudre déhydraté prête à emploi dans des sachets jaune (facile à reconnaître dans les épiceries, avec le logo d'une tête de poule). A noter que pour ceux qui aiment bien manger le contenu de leur popote plutôt que ceux des écuelles des boui-bouis, ces soupes en sachet sont la quasi seule possibilité, sauf à vraiment faire la cuisine (aller au marché acheter les légumes, les faire cuire, etc...).
Les boites de conserves ne se trouvent que dans les grandes villes, et quelques coins touristiques (Xiahe, j'en ai vu dans une épicerie sur la droite 500 m avant la grande flèche).
Si je ne me souviens pas avoir trouvé de pain dans le Tibet Central (à part, il me semble, Lhasa et Shigatse), ici par contre on en trouve dans tous les chefs-lieux de comté, ainsi que de la confiture. Amateurs de fromage, passez votre chemin ! Il me semble qu'ils en font, genre fromage frais qu'ils stockent dans de l'eau au fond de seaux (même pas sûr, et pas vraiment chez les commerçants, peut-être vendu directement aux particuliers par les paysans), sinon on n'en trouve jamais. Pour la viande, on se rabattra sur les oeufs ou les petites saucisses (au poulet dans les région musulmanes du nord).
Nescafé est partout, grâce aux soins du commerce mondial, et on trouve partout du lait en poudre (10 à 15 yuans les 400 gr, voire moins si vous dénichez les sachets « génériques », sans marque). On trouve aisément des petits gâteaux secs de toutes sortes, vendus souvent en vrac, alors guère plus chers que le pain et bien plus agréables pour le petit déj' ou l'en-cas pour la route. Les fruits et légumes sont souvent au marché ou des vendeurs le long des trottoirs, plus rarement chez des commerçants. Ces derniers par contre ont souvent des cacahuètes, fèves...(en passant, à Hong Kong, la livre de noix de cajou à 5 FF ! De quoi aller faire ses courses du week end en un tire d'aile depuis l'Europe).
Pour la popote, donc l'essence, absolument tous les chefs lieux de comté ont au moins une pompe, et même Langmusi.
Les restaus sont rarement gastronomiques. Sortis des grandes villes du pourtour et de quelques coins touristiques (Songpan, Langmusi et son excellent « Lesha », Xiahe), les menus ou plats un tant soit peu occidentaux n'existent pas, et les inscriptions sont toujours en chinois. Il faut donc manger local un peu au hasard. Quelques bonnes surprises, mais en général il vaut mieux avoir l'estomac, les papilles ou/et l'oesophage solides.
Les restaus musulmans servent de très bonnes soupes - mais aussi épicées qu'elles sont bonnes. La cuisine tibétaine est attirante avec ses momos - mais la viande de ces raviolis n'est pas toujours de dernière fraîcheur. Enfin, dans ces boui-bouis où l'hygiène est bien sûr assez rarement à nos standards, la cuisine est souvent bien grasse, ce qui, dans un pays où l'on mange tout juste à sa faim (pas d'obèses !) et où le climat est rude, est plutôt bien apprécié. Bref, le meilleur, c'est encore la tsamba (le müesli local), mais j'ignore s'ils en servent dans les restaus.
DORMIR
Tous les chefs-lieux de comté disposent de quelques hôtels, ne serait-ce que parce que les distances sont longues et que les locaux qui voyagent (aller au marché, pélerinage vers un monastère) doivent bien souvent passer une nuit en hôtel. Il ne semble plus vraiment y avoir d'hôtel interdit aux Etrangers, et ces interdictions ne semblent plus avoir cours même à Chengdu ou Lanzhou. Dans certains chefs-lieux de comté où les Etrangers doivent être extrêmement rares, où parfois les formulaires n'étaient qu'en chinois, ma présence dans n'importe quel hôtel zéro étoile ne semblait poser aucun problème.
Dans ces bourgs, on a grosso modo deux types d'hôtels : ceux gérés par le comté, qui sont normalement ceux prévus notamment pour les Etrangers, et dans les villes, quelques hôtels de même catégorie, voire catégorie supérieure. Normalement, le confort (hum) et les prix sont élevés, et les chambres individuels démarrent rarement sous 75 yuans. Mais très souvent, ces établissements comportent des dortoirs (autour de 20 yuans), voire des chambres individuels sans toilettes (toilettes communes, comme de nombreux hôtels à travers le monde), pour 25 ou 30 yuans, qui sont en fait une véritable affaire ! Le tout est de savoir si le réceptionniste a latitude ou non de vous céder ces chambres implicitement prévues pour les Chinois...Toujours est-il qu'il peut valoir la peine de commencer déjà par rendre une visite à ce type d'hôtel, on peut avoir une bonne surprise.
Les petits hôtels ont souvent pour base le dortoir. Ce mode permet de dormir pour pas cher (le plus souvent 10-15 yuans, même avec votre gueule de long-nez). Par contre, si vous vous trouvez avec des locaux, alors bonjour. Au moins, cherchez à éviter un dortoir avec une télé ! Boules Quiès et «loup» sur les yeux recommandés, car un dortoir semble être fait pour tout sauf pour dormir. Soit ça se couche tard, soit ça se lève très tôt, souvent les deux. La base fréquente est le dortoir à trois ou quatre lits. Au pire, vous pouvez essayer de louer le dortoir entier, en négociant un peu le prix.
Mais bien souvent, ces mêmes hôtels comportent au moins quelques chambres doubles. Il arrive même que le tenancier, plus libre de ses mouvements que les réceptionnistes des hôtels de la première catégorie, décide de ne vous faire payer que pour un si vous êtes seul. La moyenne standard semble s'établir autour de 30 yuans sans négocier (dans certains cas, vous pouvez vous en tirer pour 25 yuans), mais il est arrivé qu'on ne me fasse payer que 15 yuans pour une chambre double avec télé !
En principe, on ne vous remet jamais de clé, et c'est à la responsable de l'étage qu'il faut demander d'ouvrir la porte. Comme vous n'avez pas forcément envie d'importuner la fille (sauf si elle a de jolis yeux entre autres) pour la moindre envie de pisser, prévoir un cadenas pour mettre en sûreté ce qui peut avoir de la valeur, le temps d'aller aux toilettes sans fermer la porte (celle de votre chambre bien sûr, n'allez pas me prendre pour le vieux vicelard que je suis). L'insécurité dans les hôtels n'existe pas vraiment, mais on ne sait jamais...Autant pratiquer de même, si vous fermez la porte derrière vous pour aller en ville : plus d'une fois, j'ai pu voir que le trousseau de clés était aisément accessible, et pas d'employé dans les environs. Il m'est même arrivé de me servir moi-même du trousseau pour ouvrir ma chambre...
Les hôtels ont bien rarement des douches chaudes, sauf à y mettre le prix. Mais chaque chef-lieu dispose de douches municipales, que le personnel de l'hôtel vous indiquera. Pour 3 yuans (peut-être tarif «long nez», les locaux sont propres et les douches vraiment chaudes à toute heure du jour, pour la durée souhaitée.
L'institution géniale, en Chine et donc au Tibet, c'est le kai shui, autrement dit les thermos d'eau chaude. Outre que cette eau fait souvent office de douche chaude et permet de décrasser un peu son linge et sa vaisselle, elle permet de se préparer à bon compte un thé (certains hôtels fournissant même les infusettes), voire une soupe de nouilles. Cette région n'étant pas tellement réputée pour sa gastronomie (voir ci-dessus), autant se confectionner des soupes soi-même pour 1 ou 2 yuans, ce qui compense de l'hébergement, assez cher comparé au confort et aux prix des pays voisins. Cette eau bouillie, donc bactériologiquement saine, est idéale pour remplir aussi les gourdes du lendemain. On peut en obtenir aussi chez les cantonniers, dans les cafés, etc...le long de la route.
Comme on le verra dans les itinéraires décrits, le camping est rarement chose aisé dans l'Est Tibet. Sous camping, j'entends le camping discret, aussi peu visible de la route que des habitations, afin de préserver une certaine intimité (il faut comprendre les Tibétains : des touristes sous un bout de toile de tente comme un nomade, ça les rend curieux). Suite à des déforestations intensives, les forêts ont presque disparu de ce coin de la planête. Quand je repense aux belles vallées boisées entre le Yunnan et l'Est de Lhasa !
Il est donc difficile de trouver des coins un peu discrets, sauf la piste entre Luqu et Hezuo via Ala, et certainement le comté forestier de Trochu, assez mal placé par rapport aux grandes routes touristiques. La configuration générale, c'est soit le grand plateau à l'infini, avec le moindre animal (ou la moindre tente) visible à au moins 3 km à la ronde, avec des troupeaux et des nomades qui «couvrent» toute cette surface, soit la vallée, peuplée et sans plus de coin discret où se planquer. Restent parfois les petits ponts sous la route, qui sont souvent la seule option pour ne pas camper au grand air, réveillé au petit matin par les nomades assistant pieusement au lever du roi.
ARGENT
La monnaie est le yuan, divisé en 10 jiaos. Un se dit yi, deux se dit er. Oui mais, on entendra fréquemment «kwaï» (ou quelque chose d'approchant) pour yuan, et «mao» pour jiao. Enfin, «deux yuans» se dira le plus souvent «yan kwaï» au lieu de «er yuan». Attention aux accents : sept s'écrit certes pour nous «qi», mais se prononce bien souvent «ts», sifflement sans voyelle entre les dents. Les autres nombres se prononcent à peu près comme ils s'écrivent en pinyin.
La seule banque où l'on semble pouvoir changer des monnaies étrangères est Bank of China (et encore, pas toutes les agences), qui se dit en mandarin «tchongkouo ying hra» (le hr symbolisant un son rauque, comme Bach prononcé en allemand, ou bien la jota espagnole). Dans le cas du Tibet, même de l'Est, être prévoyant, car il n'y a pas beaucoup de Bank of China passées les grandes villes du pourtour (Kunming, Chengdu, Lanzhou, Xining). Sûrement à Xiahe ainsi qu'à Linxia (qui est déjà une grande ville), même pas à Hezuo, et dans le sud j'ai pu changer à Dali, Lijiang et Zhongdian, mais quelqu'un m'a dit n'avoir pas pu changer dans cette dernière ville.
Certaines façades de banques s'ornent désormais de modernes distributeurs, mais ou bien ceux-ci (entre autres Agricultural Bank of China) ne sont utilisables que par des cartes locales, ou bien ils sont très souvent «hors service». A vrai dire, je ne me souviens pas avoir pu retirer de l'argent en Chine depuis un distributeur. En principe, il y a une commission de 3 % en retirant de l'argent dans une banque avec une carte internationale, tandis que la commission sur chèques de voyage ne serait que de 0,75 %, ça vaut le coup d'y réfléchir avant de partir.
CARTES ROUTIERES
Les cartes routières chinoises sont très bonnes : très peu d'erreurs, actualisées, et relativement détaillées. Si les « Nelles » peuvent servir de canevas d'approche (beaucoup leur reprochent leur trop grand nombre d'erreurs), ces cartes régionales (Sichuan, Yunnan, Gansu, Qinghai, Tibet...) sont indispensables pour connaître toutes les possibilités et les principaux carrefours réels. Leur seul ennui...est d'être en chinois, exclusivement. Mais c'est un atout, lorsqu'il faut demander son chemin, car il suffit de pointer du doigt le nom que de toutes manières vous n'auriez pas su prononcer avec la bonne intonation.
Ces cartes se trouvent au moins dans les «Xinhua», librairies, et il y en a toujours une dans chaque capitale de comté (mais toutes ne vendent pas des cartes routières). Prix dérisoire, 6 yuans. On trouve parfois, insuffisamment certes, quelques cartes plus précises pour les zones touristiques (Chengdu, Parcs Nationaux...).
LOISIRS
Internet : on trouve de plus en plus d'accès internet ! Pas encore dans tous les chefs-lieux de comté loin s'en faut, mais les cybercafés locaux utilisent en fait le plus souvent leurs micros comme consoles de jeux, ce qui fait qu'ils sont très fréquentés par les gosses. Pour ma part, j'ai vu des salles «game boy / internet» au moins à Songpan, Zoige, Tongren, Xiahe, Hezuo (dans ce cas, dans une ruelle un peu au nord de la statue du yak, vers la droite, inscription ADSL). Pas vu à Langmusi, ni à Luqu, Henan, Zeku. Les coûts vont de 2 (Hezuo) à 5 (Zoige) yuans l'heure, pour une qualité de connexion parfois excellente, quelquefois lente (Tongren), mais qui vaut bien celles de Chengdu à 10 yuans l'heure.
Pour les dingos qui seraient équipés d'un micro portable, le plus basique des hôtels (j'en ai connu un sans WC, pas même au fond de la cour !) dispose de prises électriques dans toutes les chambres, bien souvent pour la télé. Le modèle de la prise est souvent chinois (deux trous obliques), mais parfois japonais (deux petites fentes étroites et parallèles), et parfois on trouve même des prises modèle européen ! Dans les boutiques vendant des DVD/VCD (il y en a dans le moindre chef-lieu de comté) ou dans les galeries lafayette locales, on trouvera souvent des adaptateurs pour 1 ou 2 yuans.
DANGERS
Le Tibet est une région relativement sûr pour le voyageur, comme une grande partie de la Chine. Cependant, un minimum de précautions s’impose, comme partout. Que vous le vouliez ou non, vous pouvez toujours attiser l’envie de certains locaux démunis, qui vous estime (à juste raison) suffisamment riche pour disposer du luxe de voyager, ne serait-ce qu’à vélo. Et il peut s’ensuivre quelques « gestes » malheureux : une porte d’hôtel mal fermée, où l’occasion peut faire le larron, ou bien un ami qui s’est fait voler son vélo dans la nuit par des Tibétains avec lesquels il avait sympathisé la veille au soir…Vol au demeurant stupide, impréparé, et vite réparé. Bien sûr, il ne faut pas être paranoïaque pour autant, mais rester toujours sur ses gardes.
En fait, le gros danger de cette partie du Tibet, ce sont les chiens :
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Les chiens tibétains. Lors de mon premier voyage, je me demandais bien pourquoi l'on faisait courir cette stupide légende sur de féroces chiens, prêts à mettre en charpie le malheureux cycliste venant s'égarer dans ces contrées sauvages. En fait, les seuls chiens agressifs rencontrés le furent... au Népal, là où je ne m'attendais pas à les trouver. Mais cette année, j'ai compris qu'il n'existait pas un seul Tibet ! Les chiens en sont la preuve indubitable. En fait, j'ai rencontré bien moins de chiens agressifs que lors de ma traversée des Andes, entre Argentine nord, Bolivie et Pérou - voire Équateur. C'étaient, les périodes les plus productives, près de 50 cabots qui me couraient après. C'est bien simple, dès que je traversais un village, j'avais droit à deux ou trois meutes de invariablement trois roquets chacune. Quand je dis roquets, je devrais dire monstres à quatre pattes et une mâchoire affamée ! Mais avec le recul, je pense qu'ils étaient comparativement moins agressifs. |
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Dans le cas du Tibet de l'est, ce fut tout compte fait une rigolade. Peut être que les paysans de fermes isolés ont compris qu'il était sage d'attacher leurs gardiens, leurs propres voisins Tibétains en ayant probablement marre de devoir se défendre. Mais j'ai retrouvé, dans le plus fidèle ami de l'homme et le plus vieil ennemi du cyclo, la même agressivité qu'en Amérique Latine, et même une certaine férocité. Sauf que là, c'est jamais dans les villages que j'ai été agressé, mais plutôt dans les abords, ou le long de la piste. Quoi qu'il en soit, voilà ce que j'ai cru retenir : |
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• dès qu'une habitation, en particulier si celle-ci est rudimentaire, se situe à moins de cent mètres de la chaussée, rester aux aguets - je n'ose écrire : en arrêt. Il semble que les chiens n'aient nullement pour fonction de garder les troupeaux, mais celle de prévenir d'éventuels rôdeurs qu'ils ne sont pas les bienvenus. Et comme dans le cerveau du canidé, sensiblement de même grosseur que celui de son maître (ce qui n'est pas très gentil pour le chien, je vous l'accorde), le cyclo à l'allure lente satisfait pleinement aux paramètres de l'indésirable désigné... C'est pourquoi vous rencontrerez rarement (je n'ai pas dit jamais) ces instruments d'autodéfense dans les villages (où les gens, faisant nombre, ont moins peur des rôdeurs), ni en rase campagne, les charmants crocs à pattes n'ayant normalement rien à y faire (sauf cabot réellement... enragé). |
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• Se méfier plus particulièrement des abords des villes et villages, ainsi que les dernières habitations avant un col (ou les premières après) : il s'agit souvent de semi-nomades, qui ne savent plus bien s'ils sont nomades ou en cours de sédentarisation, et la possession de chiens doit les rassurer. J'ai très rarement vu les vrais nomades s'encombrer de chiens, et les gens sédentarisés de longue date, soit attachent leur(s) chien(s), soit le(s) dresse(nt), soit ont évolué au stade supérieur de l'homme qui méprise la race canine, un «loupé de cuisson» du Bon Dieu (c'était le huitième jour, après le dimanche il n'avait plus le goût au travail bien fait - on le comprend). Pareil en France et ailleurs, les proprios de cette engeance étant universellement à ranger dans la catégorie de leur compagnon. Et pas besoin qu'ils m'expédient un e-mail vengeur, je ne comprends pas les aboiements. Ouaht do you say ? |
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• Les chiens les plus à craindre sont ceux qui n'aboient pas. Eux sont là franchement pour en découdre...ou découdre le fond de votre pantalon. Heureusement, ils semblent rares. Et je suppose que de même les chiens ayant la rage ne doivent pas perdre de temps à aboyer ? |
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• Vous connaissez vos classiques : il ne faut pas leur montrer votre trouille, sinon ça les encourage. Le chien est plus que tout un animal de rapport de force, et fondamentalement lâche. Tiens, tout le portrait des possesseurs de chiens à travers le monde... |
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Plusieurs tactiques sont proposées : |
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• Foncez ! Le chien finira bien par se lasser. Personnellement, je suis contre cette solution. Elle suppose que vous soyez en mesure de passer rapidement à une allure supérieure à 40 km/h, vous avez encore de beaux jours devant vous pour le Tour de France. L'avantage, c'est que vous ne perdez pas de temps (une chose irritante, de s'arrêter pour ce motif), et qu'à cette allure, il y a quand même assez peu de chance que le hargneux puisse saisir vos mollets, voire même vos sacoches. Mais je ne parierais pas une canine là-dessus... |
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• En fait, l'idéal serait, dès qu'on suppose qu'il risque d'y avoir des chiens (et avant même que ceux-ci vous aient repéré), d'accélérer. Les chiens, paresseux par nature, préfèrent cavaler après une cible qu'ils pensent pouvoir avoir raisonnablement le temps d'atteindre. Ils privilégient (merci) les cyclos lents, d'une part suspects même de par leur lenteur à s'attarder non loin du territoire dans des intentions non louables, et de plus proies aisées pour leurs crocs acérés. |
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• Ma technique, si l'on peut dire. Il s'agit plutôt d'une adaptation à/aux emmerdeurs à poils ras. S'arrêter, commencer à faire provision de cailloux tel le Petit Poucet. Essayer tout d'abord l'intimidation en criant fort : un petit tiers déjà abandonne la lutte (en Amérique Latine, la proportion d'abandon dépassait les 50 %, nous avons affaire ici à une race plus teigneuse). Pour ce faire, souvenez vous des cris que vous poussiez, lorsque vous n'étiez qu'un homo hurlus, il y a bien longtemps entre le silex et la peau de bête (faites un effort, ça va vous revenir). Si vos admirateurs continuent a tournicoter en aboyant, visez posément. Selon l'aspect féroce ou non (par exemple, un chien arrivant au triple galop, gueule ouverte et yeux injectés), je descends même du vélo de façon à ce que celui-ci soit entre moi et mon agresseur. Rien que ça, ça les emmerde dans leur stratégie d'attaque. |
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• Au début, à la fois pressé d'en finir et de rage contre les perturbateurs, je lançais les pierres n'importe comment, ce qui fait que j'atteignais rarement mon but. C'était vexant. Par la suite, je me suis bien fixé comme objectif d'atteindre la cible (si plusieurs chiens, choisir le chef). Non seulement le chien, échaudé, devient circonspect (certes, endolori et vexé, il revient à la charge, mais cette fois en restant bien à distance. Merci Pavlov), mais ça fait un bien fou d'avoir touché la cible ! Vous repartez, presque heureux. Alors qu'autrement, vous fuyez, honteux. Rappelez-vous que nous mêmes, humains, avons un cerveau parfois pas si lointain que celui du chien, et que dans ce combat, il reste inconsciemment un vainqueur et un vaincu. C'est vous l'agressé, vous avez le droit d'être le vainqueur, et de partir satisfait, au lieu de laisser ce plaisir à l'emmerdeur à quatre pattes (et à son maître...). |
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• J'ai vu d'autres techniques. Tel ce Norvégien, équipé de deux longs tubes de plastiques, au bout desquels il fixe des fléchettes pour tirs sur cible. Encore plus efficace que les pierres, car si jamais les chiens s'aventuraient à s'approcher, vous ne pouvez pas les manquer. Par contre, le système me semble constituer une perte de temps supplémentaire (vu l'état des pistes, les tubes ont intérêt à être bien fixés au cadre, d'où système d'attache à dénouer au moment crucial), et puis le nombre «d'occasions» de s'en servir ne me paraît pas justifier un tel préparatif. |
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• Dans le même style, pas trop adapté au cyclo, les locaux utilisent un bâton, au bout duquel est suspendue une ficelle, avec un objet un peu lourd à l'extrémité. |
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• La bombinette de gaz lacrymo ne peut servir que dans un cas ultime (encore faut-il qu'elle soit rapidement à portée de main !), si vraiment tout a échoué. Mais il faut que le chien soit à très grande proximité, et que vous ayez des réflexes rapides (point sur lequel le chien a une indéniable supériorité, il faut bien qu'il ne soit pas qu'un animal raté en tout, sinon l'évolution l'aurait rayé des espèces survivantes). En fait, suivant l'orientation du vent, vous risquez de vous en prendre autant sinon plus que le chien. |
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• Idée non testée, mais qui me semble intéressante : prévoir un bandage suffisamment résistant et volumineux autour des mollets qui sont, si vous restez à rouler sous l'attaque, la seule zone réellement risquée. Le fin du fin serait d'asperger ce bandage d'un peu de lacrymo... en veillant bien à ne pas y mettre les doigts dans la journée ! Asperger un peu de gaz lacrymo sur le dos des sacoches arrière va dans le même esprit, car c'est souvent sur elles que se rabattront la plupart des cabots. En fait, si nous faisions tous cela, sûr que ces chiens finiraient par comprendre que nous sommes trop verts et bons pour les goujats. Mais, de notre part, supprimer cette joie à ces stupides créatures, ce serait trop cruel : car alors quelle serait leur raison d'exister, je vous le demande ! Ils ne seraient même plus d'utilité pour leur bon maître, qui devrait mordre lui-même les passants… |
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