SIKKIM M’ETAIT CONTE

 

 

Début du récit depuis le Népal

 

Raxaul-NJP

Kalimpong

Gangtok

Ouest Sikkim

Darjeeling

Sandakphu

 

 

DURAILLE LE RAIL

 

Cap vers le Sikkim ! Un long voyage en train pour commencer, avec changement à Barauni, un nœud ferroviaire, en pleine nuit. Par prudence, je n’enregistre le vélo que jusqu’à Barauni – et puis, ça semble bien arranger les cheminots de Raxaul que je ne les embarque pas dans quelque aventure paperassière complémentaire, et surtout très aléatoire. Car, quelle que soit la bonne volonté de ces employés, les méandres bureaucratiques semblent si bien conçus, que la moindre expédition de bagage ressemble à la préparation d’un texte à l’ONU.

 

Quelle ambiance tout de même que ces gares indiennes. Le plus surprenant est…que nous ne les surprenons pas. Pourtant, dans la marée humaine qui n’arrête pas de tournoyer dans et autour de la gare, je suis le seul pâlichon occidental. Aucune animosité, quelques marques discrètes de sympathie, seuls les gosses mendiants semblent s’aggripper un peu à ces balises de détresse que nous formons. Le train a naturellement du retard. Le temps de voir circuler quelques trains locaux. Les trains que j’emprunte, des express et des rapides, ne m’ont jamais apparu comme très luxueux, au vue de l’épaisse couche de crasse et de rouille mélangée qui recouvre ces voitures fatiguées. Mais les trains locaux, c’est encore autre chose : d’abord, ils sont en pratique « hors horaire » : ceux que je vois semblent avoir bien douze heures de retard chacun (sinon 36), si j’en crois ce qui est affiché par ailleurs ! Voitures de voyageur, ou wagons à bestiaux ? Les gens s’y entassent de manière incroyable, jusque dessus les toits, les fenêtres débordent de poches plastique accrochés tout le long des parois, et à l’arrivée dans chaque gare, le train est assailli par les passagers espérant se dénicher une place un peu moins confortable que les autres. Si les express arrivent à rouler à une moyenne de 50 km/h (un bel exploit, vu la longueur des parcours et l’état des rails et du matériel), ces omnibus, avec leurs nombreux et longs arrêts, ne doivent guère dépasser une vitesse de croisière de 15 km/h !

 

A Barauni atteint au cœur de la nuit, je commence un peu à paniquer : j’ai ma correspondance dans (théoriquement) une heure, et sur un quai noir de monde, sans aucune indication en anglais, avec personne ne parlant autre chose que hindi, je dois essayer de débusquer le service à bagages où retirer le vélo. Les sacoches que je porte à bout de bras me font mal, sur ces quais indiens infiniment longs (certains approchent les 2 km, record mondial !). J’ai une chance terrible : alors que le train m’a balancé sur un quai à l’aveuglette, il se trouve que c’est le bon quai (en plein milieu des voies), et que je me dirige du bon côté du quai : je tombe sur le service recherché ! En fait, le bout du quai semble tellement terminer sur un bâtiment style annexe des toilettes ou local de matériel au rebut, que je rebrousse même chemin, finissant tout de même par me rendre ensuite à l’évidence : ce bâtiment lugubre, désert, non éclairé, c’est bien le service à bagages !

 

Evidemment, le vélo n’y est pas. Aucun employé ne parlant anglais. Cette fois, c’est sûr, je panique, car il y a près de 30 mn que le train est arrivé en gare, et reparti ! En fait, un employé me fait comprendre, par gestes, que les bagages doivent encore se trouver sur le quai. Exact ! Les dockers des quais arrivent bientôt, avec mon vélo intact. Le réenregistrer pour New Jalpaiguri n’est plus… qu’une formalité, entre deux bouchées d’épices ingurgitées par le guichetier. Bien sûr, mon train suivant a 3 heures de retard, ce qui me donnait, dans les faits, bien assez de temps.

 

KLAXONS A KALIMPONG

 

New Jalpaiguri, gare dans la banlieue de Siliguri, le point d’accès du Sikkim, de Darjeeling et du Bouthan. De la ville, dans la brume de mars, on ne voit rien de la montagne, encore un peu lointaine. Après une nuit de « repos », dans un hôtel tibétain pourtant fort sympathique, mais un peu trop bien situé sur le carrefour principal de cette petite ville de 500 000 habitants, c’est le départ ! Première direction, non pas le Sikkim, non pas Darjeeling, encore moins le Bouthan, mais Kalimpong. D’après les cartes et les guides, il n’y aurait qu’un seul accès à cette ville, en vis-à-vis de Darjeeling. S’il y a une chose que je déteste, c’est bien de me rendre à une ville, et devoir revenir sur mes pas- surtout que cette ville est en altitude, comme tout ici. Alors, au jugé, je me lance à dénicher une piste qui me permettrait de gagner Kalimpong par un autre accès. Et dans ce but, je m’écarte bientôt de la route principale, vers l’est, espérant trouver des pancartes, des indications de gens…

 

La chance me sourit : à une intersection que je sens comme la bonne (je découvrirai plus tard que probablement, effectivement, une piste devait partir de là vers Kalimpong), je demande : on me dit que non, rien ne permet d’aller à Kalimpong autrement que par la route principale. Je rebrousse chemin, un peu déçu, et voilà une moto qui, intrigué par mon manège, s’arrête : il s’agit de gars qui tiennent une agence de voyages ! Et qui m’indique qu’il existe effectivement un accès plus à l’est, et chic du chic, il s’agit d’une route. Mais, regardant mon chargement, ils font signe que je vais devoir pousser.

 

Je trouve bien ma route, même si aucune indication ne permet de deviner qu’elle va bien jusqu’à Kalimpong, mais les taxis me le confirment. Traversée d’immenses champs de thé dans la plaine, puis montée progressive sur la montagne. La route longe bientôt une vallée, puis grimpe brusquement en corniche. C’est le lendemain que je terminerai cette ascension, de plus en plus impressionnante, avec un tracé tout en lacet, jusqu’au village de Lava, installé sur un col à plus de 2000 m. Evidemment, on ne peut pas dire que j’ai pris un raccourci, surtout que Kalimpong n’est qu’à 1250 m d’altitude. Mais j’ai l’impression de faire figure de découvreur, cette route n’étant signalée nulle part. La montée a certes été rude, mais je n’ai pas eu à pousser.

 

Kalimpong est dans un joli site, au quasi-terminus d’une longue crête descendant depuis Lava. Il y a hélas trop de brume, et j’ai à peine le temps, tôt le matin, de distinguer quelques sommets himalayens. Encore raté. Décidément, il n’y a bien que les mois d’octobre et novembre, juste après la mousson, qui soient potables. Je ne m’attarde pas dans cette ville prétendument touristique. J’y supporte assez peu les klaxons, adressés même aux piétons, et finis même par m’engueuler avec des chauffeurs. Pourtant, ce n’est guère pire qu’ailleurs, mais après plusieurs jours de tranquillité dans les montagnes, c’est l’aspect de la « civilisation » le plus crispant. Cette fois, je rattrape enfin la route principale, qui mène à l’entrée du Sikkim proche.

 

HILL-SEAK(KIM)-NESS

 

Le Sikkim ? Une poche, coincée entre le Népal, le Tibet et le Bouthan, raccroché à l’Inde. Petit royaume népalais « récupéré » par l’Inde afin de disposer d’un territoire-tampon d’avec la Chine. Cette situation privilégiée en a fait une sorte de vitrine pour l’Inde, qui tient à ce que la population de ce petit Etat se sente bien dans l’Union. Avantage pour le cycliste, le réseau routier y est relativement dense, surtout comparé au Népal tout proche. Inconvénient : vu qu’il s’agit d’une zone frontalière sensible, l’Etranger ne peut se rendre partout. Mais peu à peu les interdictions se relâchent, comme le Ladakh et les régions proches (Spiti) il y a quelques années.

 

Vu le peu de temps qu’il me reste, les zones autorisées me suffiront bien. Sur les cartes, on jurerait que Gangtok, la capitale, est simplement en fond d’une longue vallée descendant de la frontière tibétaine. Et au début, effectivement, la route se contente de suivre au plus près une vallée presque plate. Puis soudain, tout s’emballe : la pente s’accélère, les virages s’empilent, et je distingue, emmêlé le long d’une route en lacet, la ville, perchée bien au-dessus de la vallée, à 1500-1600 m d’altitude. La ville, de développement récent, n’a aucun cachet, par contre le site en est étonnant, en balcon au-dessus de la vallée. Mais il fait toujours trop brumeux pour espérer distinguer quelque lointain sommet. C’est même la pluie qui s’imposera durant une partie de mon séjour ici.

 

Le Tibet est proche : une route s’y rend même, et les touristes Indiens peuvent se rendre sur la frontière, en circuit organisé. Mais à vélo, ce n’est pas encore possible, tout comme il n’est possible de se rendre au nord de l’ex-royaume. Par contre, tout l’ouest bordant le Népal est accessible, sans aucune formalité aujourd’hui. Et le choix de routes et de pistes ne manque pas. C’est par le beau temps revenu que je vais d’abord me rentre au monastère tibétain de Rumtek. Joli, mais il faut bien se rendre à l’évidence : après les splendeurs du Tibet Central, et même du Tibet de l’Est, les gonbas du Sikkim font pâle figure. Il vaut nettement mieux les découvrir avant ceux-là.

 

Par contre, côté mollets, le Sikkim représente un intérêt non négligeable : les vallées principales y sont basses, immédiatement entourées de montagnes dépassant tout de suite 2000 m et au-delà. C’est donc une succession de longues et dures montées puis descentes. Un vrai plaisir pour le cyclo-grimpeur ! Quant au camping, après le Népal où il était souvent difficile de pouvoir camper, c’est ici souvent possible, pour peu qu’on s’écarte de la vallée principale. Bien que très peuplé, le Sikkim offre plus de verdure que le Népal, qui a subi une déforestation massive en moyenne montagne. De nombreuses routes sont revêtues, changeant là encore des infernales pistes népalaises. Le Sikkim semble avoir fait une bonne affaire à avoir abandonné son indépendance, lui qui en était au stade du Népal il y a trente ans…

 

A L’OUEST, RIEN DE NOUVEAU

 

En atteignant le col du Rablong, j’espérais avoir enfin une vue sur l’Himalaya : partiellement gagné, après une journée de brouillard. Pas de quoi prendre une photo, mais les sommets, pourtant lointains, écrasent le paysage. Ici pourtant, ils dépassent tout juste les 6000 m, autant dire des sommets rase-mottes. Il me faudra attendre la resdescente dans la vallée profonde suivante, puis une route en corniche et jouant au yoyo, enfin une dernière remontée à près de 2000 m, pour avoir enfin une splendide vue, un matin, depuis mon hôtel de Pelling, au pied du petit monastère de Pemayangtse. Enfin la première vraie vue sans nuages depuis Pokhara, 7 semaines plus tôt !

 

Les petits Sikkimais sont bien de petits Népalais : dès que l’un d’entre eux me voit, il vient trottiner à mes côtés. Par contre, jamais de demande d’argent : le Sikkim n’a pas encore été envahi touristiquement par les Occidentaux, dont la présence reste très discrète. Et puis le Sikkim est « riche », disons en tout cas qu’il n’est pas miséreux. Plus d’une fois, les gosses ou les gens rient à l’approche de ce drôle d’engin : un vélo ! Le pays ne se prête guère à ce moyen de locomotion, et même dans les rares vallées plates, on n’en voit pas.

 

DARJEELING : PEDALE ET THE-TOI

 

L’une de ces vallées, justement, me ramène en Inde, au pied de Darjeeling. Cette station d’altitude est à plus de 2100 m, et la vallée, à cet endroit, à guère plus de 200 m. Deux routes montent par le sud, depuis Siliguri, mais cela me ferait un trop grand détour : je me décide donc pour la route partant depuis le pont de Tista. Je vais vite comprendre pourquoi les gens du village, sur mon passage, rigolent franchement : les 1500 premiers mètres de montée seront réalisés en moins de 13 km ! En fait, chargé comme je suis, et avec une pente irrégulière, atteignant assez souvent 12 à 15 %, je ne fais souvent que pousser le vélo, suant sang et tripes le long de plantations de thé, parmi de nombreux villages égayant cette pente fertile.

 

J’atteinds Ghoom : 2250 m, faubourg de Darjeeling sur la route principale, desservi par le « toy train », cette ligne partant de Siliguri. Aujourd’hui, il ne s’agit plus que d’une ligne touristique (2 trains par jour dans chaque sens dans le meilleur des cas), tout le monde prenant le bus, plus rapide. Depuis Siliguri, la montée n’est pas aussi brutale que d’où je viens, mais pour un train, ça revient sensiblement au même, et il faut une grande partie de la journée pour couvrir les 80 km de distance ! Darjeeling me déçoit : guère plus de cachet que Gangtok, et le site de la ville est moins spectaculaire. Le seul intérêt en sont les vues sur l’Himalaya, mais le temps est couvert. Au lieu de la ville coquette d’anciens résidents Anglais que je pensais découvrir, il s’agit d’une ville assez indienne, aux toîts de tôle rouillée, assez peu photogéniques, à l’encombrement habituel et aux klaxons des véhicules englués dans les rues étroites de cette ville. Shimla, à la même altitude vers Delhi, a nettement plus de cachet. Ici, on sent un peu la station du pauvre.

 

C’est à ce moment que Bush Junior, toujours prêt à commettre des bétises dès qu’on ne le surveille pas, se décide à jouer les machos chez son ancien pote Saddam. La bagarre de saloon par population civile interposée continue entre les deux plus grands voyoux de la Terre, et les quelques Indiens avec lesquels je me trouve à discuter (dont certains m’en ont parlé spontanément le long de la route) ne semblent guère apprécier cette vision impérialiste d’un pays qui écrase le Monde de sa supériorité, aidé par la veulerie de gouvernants Européens, prêts à lécher les os jetés négligeamment par le Maître.

 

Mon séjour à Kathmandu ne me permet que très timidement de voir quelques hauts sommets, à peine distingables d’un ciel souvent blanchi par l’humidité ambiante. Il ne me reste plus qu’un dernier but, avant de descendre sur Siliguri et la fin de ce voyage : Sandakphu. A vrai dire, je ne songeais plus guère à réaliser ce challenge : au vu des informations à ma connaissance (et la réalité dépassa mes prévisions), cette piste devait être horrible : très pentue, certes, mais surtout pavée, c’est-à-dire empierrée. Une horreur, à vélo. Mais l’attrait de la montagne est le plus fort. Je me rends donc à Mane Bhanjyang, petit village situé sur un col à 2000 m à l’écart de la route Darjeeling-Mirik. La météo est encourageante depuis que j’ai quitté Darjeeling.

 

SANDAK-FOU

 

Je décide de commencer la balade en quittant mon hôtel dès avant 5h du matin : car la journée promet d’être longue. La surprise est de trouver le premier kilomètre fraîchement goudronné, les travaux se poursuivant au-dessus. Par contre, même sur le goudron, je dois rapidement mettre pied à terre : 15 ou 18 % selon les endroits ! Dans la nuit, avec des chiens venant m’aboyer dans les mollets ça et là, je progresse « rapidement » en altitude (400 m les 2,5 premiers km !), sur une piste en très bon état. Ça ne peut durer : au bout de 5 km, alors que la piste, ayant dépassé les 2600 m, commence à se calmer, c’est l’empierrage qui fait son apparition, pratiquement pas roulable à vélo. Je suis sur le point d’abandonner, mais je m’accroche à l’espoir, comme je fais toujours dans ce cas, que ce sera meilleur ensuite.

 

J’atteins ainsi Tonglu vers 07h00, le premier promontoire avec une vue sur l’Himalaya. Pas veinard : bien qu’il ait fait beau la veille, bien que je sois parti très tôt, il y a un brouillard matinal, dont les volutes viennent tout exprès lécher en permanence la crête desservie par la piste. De temps en temps, entre deux volutes, j’aperçois rapidement les sommets, étincelants. Pas même le temps de prendre une photo ! Au bout d’une demi-heure, je me lasse du manège, et continue ma « route », espérant avoir de meilleures vues plus loin. Si j’avais eu le panorama espéré ici, sans doute aurais-je rebroussé chemin, rebuté par l’état de la piste.

 

Bientôt le checkpost du parc national. Je ne vois pas très bien ce que ce parc national peut protéger comme espèce, à part celle des roupies, délestées aux imprudents touristes engagés sur cette route par le biais d’un péage – admettons que c’est pour financer les lents travaux d’amélioration de la piste, fréquentée essentiellement par les jeeps des touristes Indiens. Je me trouve à plus de 2900 m, mais cela ne peut durer : la piste, souvent empierrée, descend brutalement sur un col à 2500 m. Il ne reste plus qu’à regrimper tout aussi brutalement à 3000 m, mais sur une piste souvent acceptable, malgré de nouveau une pente impossible.

 

M'écartant à peine de la piste principale, à un col nommé Batasi et bien nommé (batasi = endroit venté), le berger de la masure voisine vient vers moi. Je commence à essayer de lui parler petit nègre en anglais, espérant qu'il comprenne un ou deux mots : mais il me répond dans un anglais excellent, même pas avec ce fréquent accent indien, aussi abominable que mon accent français, qui fait que souvent je fais répéter deux fois à mon interlocuteur - et qu'à la troisième, je fais semblant d'avoir compris. Il détaille précisément tous les chiffres de mon compteur kilométrique, sans bafouiller. Je reste sidéré, d'une part qu'il ne soit pas plus surpris que cela de croiser un ours à vélo (c'est surtout le vélo qui devrait surprendre), d'autre part que dans un endroit aussi reculé, un modeste berger sache si bien manier l'anglais, tandis qu'il parle certainement le népali, l'hindi - et peut-être en prime le patois local ?

 

Un peu plus loin, à Kalpokhri, des gens jouent...au cricket sur un petit terrain plat, ce qui est déjà en soi un petit miracle dans ce pays vertical. Cette fois, on m'apprend que je suis le deuxième conquérant, après 6 cyclos qui sont passés en 1998. Dès demain, j'ai assurément dans ma boite une dizaine de messages de cyclos de tous pays m'indiquant l'un qu'il l'a fait l'an passé, l'autre qu'il l'a fait il y a dix ans déjà, l'autre qu'il l'a fait en 1958, un autre qu'il l'a fait en hivernale et en nocturne pour pimenter cette monotone et tranquille balade, et l'autre que son arrière grand-père l'a fait en grand bi en 1910. Bon sang, laissez-moi rêver que je suis un (quasi) pionnier !

 

Ouf, une dernière montée bien refaite, où l’empierrage a presque disparu, me permet d’accéder à 3250 m, tandis que Sandakphu, presque 6 km plus loin, n’est qu’à 3600 m. Horreur : arrivé à la crête, je vois la piste redescendre une nouvelle fois brutalement sur un col (c’est la magie des routes de crêtes : on ne monte pas à un col, on y descend), et monter ensuite en lacets très serrés et très pentus sur Sandakphu, tout là-haut, inaccessible. Du col, il doit rester moins de 4 km pour grimper plus de 500 m… Il est presque midi, les nuages commencent à lever, c’est décidé, je ne monterai pas sur Sandakphu avec cette horrible petite piste pentue et empierrée. Par contre, reprendre la même piste pour revenir ne me dit rien. Je sais qu’il existe un sentier devant partir du col vers l’est, permettant de regagner le réseau routier 1000 mètres plus bas. Et si j’essayais ? Le sentier pourrait être un sentier muletier, cyclable ?

 

Mauvaise tentative : au col, on m’indique en fait que le sentier part…du sommet de la crête que je viens de descendre ! Fichues cartes, mêmes détaillées, qui font de grossières erreurs de ce type ! Effectivement, le sentier est même large, je m’imagine même qu’il pourrait s’agir d’une ancienne piste militaire. Il me faut parfois descendre de vélo, à cause de pans de neige, mais ça roule. Et puis ça se dégrade. Après quelques centaines de mètres, je réalise qu’il ne s’agit bien que d’un sentier, parfois rugueux, très raviné, et je me vois mal parti ainsi pour 1000 mètres de descente dans ces conditions. Il ne me reste plus qu’à rebrousser chemin.

 

Pour ne rien arranger, un orage violent éclate, alors que mes freins sont mis à rude épreuve dans la descente brutale sur Tonglu. A Tonglu, l’orage passé, je me risque cette fois pour une autre possibilité, indiquée celle-là sur aucune carte : rejoindre Dhodrey, un col à 2600 m, pas très loin à vol d’oiseau, et situé sur une route goudronnée. Et pour le début, je distingue même un sentier, qui pourrait bien aller jusqu’au col. Je tente le coup, et lance le vélo dans un sentier incertain. En fait, il est visible que ce sentier, bien tracé en zig-zags, a connu des jours meilleurs. Arrivé à un ensellement, j’ai un doute : le sentier continue bien, mais il me semble se perdre dans les collines boisées. J’opte pour l’espace large et herbeux, qui descend fortement sur ma droite.

 

Mal m’en prend : je viens empaler la roue arrière dans un épineux, et voilà que je crève ! Et c’est là que je me rends compte que j’ai oublié la pompe à l’hôtel. Je n’ai plus qu’à remonter jusqu’au sentier principal et continuer crevé… Au moins, par chance, le chemin va bien au col. Il est certes rude par endroits, l’ancien parcours, bien tracé, ayant été abandonné par les paysans pour des raccourcis où je dois porter le vélo. J’atterris bientôt sur un petit terrain plat, occupé par un camp de militaires : retour à la civilisation ! La nuit va tomber, le pneu arrière est crevé, il me reste 20 km à parcourir : tout va pour le mieux ! Dans mon malheur, j’ai une chance : que le pneu arrière reste en place. Car, quand on roule crevé, souvent, au bout d’un moment, la chambre à air sort, vient s’entortiller autour de la roue, et plus rien à faire.

 

Je vais ainsi rouler 20 km, sur une route qui n’a plus de goudronnée que le nom, sans lumière car les piles de la lampe frontale viennent de lâcher. C’est vers 21h que je vais atteindre enfin Mane Bhanjyang et mon hôtel, après 16 heures de parcours ! Pour autant, je ne suis même pas franchement crevé, et c’est sans grand effort que j’atteindrai le lendemain Siliguri, il est vrai au terme d’une longue descente.

 

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