PURE MALTE !

 

 

Il ne m’aura fallu pas moins de 5 jours de vélo (et 2 jours annexes de visite à pied), et plus de 500 km, pour “venir à bout” de Malte. Cet archipel, minuscule, bien plus petit qu’Andorre ou le Liechtenstein (sans parler d’un poids lourd comme le Luxembourg), est sillonné d’un réseau dense de routes, et il y a tant à voir…

 

Je ne désespérais pas de croiser à l’improviste Raspoutine, ou quelques de ces froides mais si sensibles comtesses d’Hugo Pratt, mais force est de le constater : ce minuscule archipel rattrape l’Europe matérialiste à marches forcées. Sur une carte de la Méditerranée, Malte paraît si proche de la Sicile… mais l’on n’y retrouve pas grand’ chose de la voisine italienne, et l’ambiance a plutôt quelque chose de Gibraltar : britiche, mais méditerranéen avant tout. Malte est surtout malti. Voilà qui est original.

 

Premier contact avec la grande île par le ferry depuis la Sicile, abord tellement plus sympathique que l’avion – mais n’offrant pas une grande différence de prix. Arriver en longeant les fortifications de part et d’autre du Grand Port, comme auraient pu le faire les successeurs de l’infortuné Soliman le Magnifique à l’assaut des inexpugnables Chevaliers, est nettement plus prenant que d’atterrir prosaïquement à l’aéroport international au milieu des boutiques de duty-free.

 

Le douanier me rappelle que Napoléon a conquis Malte durant deux ans : pas moyen de savoir si c’était (sûrement) une forme de bonjour au « François » que je suis, ou bien une manière de vouloir dire que ici, les Frenchies ne se sont pas imposées, même dans les grandes années impériales. Le fait est que malte a conservé sa langue, une langue très particulière, chargée…d’histoire, une langue copiée du sabir de « l’Antifrance » honnie de Superdupont, improbable télescopage de l’arabe, l’italien et l’anglais. Et l’on va bien se marrer, lorsque, Europe oblige, les textes seront traduits aussi en malti. Onxx n’estq pas sortija de l’oberj.

 

En fait, on parle énormément anglais, ici : la grande majorité des inscriptions sont dans la langue de Blair (celui qui n’a pas eu de flair dans les armes de destruction massive de carrière politique), bien sûr les pubs (signe indiscutable), enfin les indications dans les musées. Ce qui ne permet guère de soulever le voile sur la véritable langue de ces 400 000 personnes, l’anglais étant censé convenir à tous, locaux comme visiteurs. 400 000 personnes nonchalantes et pourtant pressés comme des sardines, essentiellement autour du grand port de La Valette, sur guère plus de 350 km2. Ce qui nous donne une densité de 1200 hab / km2, nettement plus que le Bangladesh – mais nettement moins que Monaco.

 

La Valette, la capitale, ne regroupe pourtant que 7 000 habitants, derrière la succession de remparts. Mais l’agglomération, qui n’arrête pas d’inclure peu à peu ce qui était autrefois des villages isolés, doit bien approcher les 300 000 âmes aujourd’hui, dégueulant de toutes les criques hérissées de fortifications au centre, et allant coloniser les campagnes, la côte, les collines. De la citadelle de Mdina, « au loin », on voit cette marée d’habitations s’approcher doucement. Mdina et Rabat garderont-elles encore longtemps leur isolement, à 4 km des derniers faubourgs de La Valette ?

 

La première matinée sera perdue à rechercher un hébergement économique. Pas tant du fait que je vais de porte en porte, mais si le plan de La Valette même est simple, en damier, première « ville nouvelle » d’Europe a avoir été conçue avec carrefours à angles droits (et rues en escaliers !), point n’est le cas pour le reste de l’agglomération, où, pour se diriger vers le nord, il faut parfois commencer par piquer plein sud, puis un coup de barre à tribord ! Et si Malte ne comprend pratiquement pas de point plus haut que 250 m d’altitude, pour autant le secteur de la capitale est loin d’être plat.

 

Mais ces obstacles mis sur la route de l’intrépide cyclo-tourdumondo-universo-voyageur ne l’empêchent pas d’atteindre l’auberge de jeunesse, et sans boussole s’il vous plait, autant dire maman sans les dents. 2,25 livres, c’est donné ! Sachant toutefois que la livre maltaise ne s’est jamais affadi, contrairement à sa grande sœur angliche, et qu’elle vaut 2,3 €. Je vous laisse opérer l’ultime conversion en anciens nouveaux francs.

 

En cette mi-janvier, quel temps extraordinaire : je viens de quitter la France, à peine une semaine avant (oui, je fais pas mal de km par jour, surtout dans le train), sous un froid de canard, une bonne partie de l’Italie est sous la pluie et probablement la neige en altitude, et ici, jusqu’à 20°, ciel bleu parfois strié de passages nuageux. Tout serait parfait, n’était ce vent fréquent, encombrant la tête et surtout les muscles.                       

 

           

LA VALETTE,  TERRE CEINTE

 

Vu le temps perdu en matinée, il ne me reste plus… qu’à rester en ville, en commençant par longer toute la sinuosité de la côte entre Sliema et La Valette, puis en ratissant le damier de la citadelle de La Valette. Visite de la co-cathédrale. Pourquoi co, tiens au fait ? Parce qu’elle partage ce titre avec celle de Mdina. Un superbe intérieur archi-surchargé, style rococo pompier ou nouille-station de métro, on sait plus trop, j’adore. Des croix de Malte de partout, des sculptures, des peintures en veux-tu en voilà. Les Chevaliers enterrés ont pavé le sol de marbres les représentant souvent en compagnie de la Faucheuse, ricanant de tous ses os (et des dents lui restant). Je me demande encore s’il s’agissait d’une représentation austère décalée par le temps, ou un clin d’œil à la Mort digne des fêtes mexicaines. Connaissant l’ambiance de ces moines-soldats, la deuxième hypothèse ne semble pas la bonne, et pourtant… L’humour devait bien exister, à l’époque.

 

Malte a été un superbe prétexte à la chrétienté européenne pour créer une vitrine. Après le fameux Grand Siège, où David (plus chrétien que juif dans le cas qui nous intéresse) réussit à tenir tête et faire lâcher prise à Goliath le Magnifique (et un peu musulman sur les bords), on y a dépéché le grands artistes, de grands architectes. Au fond, l’Europe néo-libérale d’aujourd’hui est peut-être née de l’Ordre de Malte, ces chevaliers venus de plusieurs langues : Italie, Castille, Aragon, France, Auvergne, Provence, Bavarois… Pas de souci à se faire : les fortifications de l’Europe d’aujourd’hui sont nettement plus inexpugnables que celles de La Valette. Qu’un Maghrébin essaie de resquiller, foi de Schengen ! Le Pen n’a pas élé élu, mais il y a belle lurette que l’essentiel de ses idées sont passées…

 

Quoiqu’il en soit, cette effet-vitrine a fait de Malte, non seulement une place-forte ceinte de fortifications, mais aussi une île de monuments. Le plus frappant, dans les campagnes, est la dimension et la richesse architecturale et décorative des églises. Dans un paysage tandanciellement plat, avec des maisons généralement à un ou deux niveaux, ces édifices religieux sont visibles de très loin. Ça me rappelle cette église monumentale, dans un village de l’Est de la France, visible depuis la voie ferrée Paris-Strasbourg : on ne voit qu’elle, avec à ses pieds ses quelques maisons blotties comme un chat aux pieds de sa mémère.           

 

           

GOZO LA QUIETE  

           

L’île de Gozo, à une encablure de la côte nord-ouest de Malte, vaut le détour. En cette première nuit à l’auberge de jeunesse, je me réveille vers 3h30. Il ne me faudra guère plus d’un quart d’heure pour me décider : en partant très tôt, disons 5h, soit deux heures avant le lever du jour, j’ai des chances d’atteindre Gozo, de visiter l’île, puis de revenir avant la grosse nuit. Le pari sera tenu de justesse, et encore n’aurai-je pas le temps de visiter la citadelle de la capitale de l’île, pour laquelle je me promets de revenir plus tard, ô horreur, en bus.

 

A peine parti de l’AJ, la rue monte en permanence. Malgré le vent de face, je finis par avoir rapidement trop chaud. En cette fin de nuit, je stoppe contre le trottoir, et commence à me déloquer. Au bout d’un moment, je me rends compte de la présence d’une ombre, qui s’est arrêtée un peu plus loin : il s’agit d’une femme, pétrifiée à l’idée de tomber sur un satyre ! L’air de rien, ça prend du temps de se dévêtir, surtout pour le bas : délacer les chaussures, les retirer, enlever le pantalon, remettre les chaussures, les relacer… Tout de celui qui attend patiemment sa proie. 10 mn de plus à faire mon cirque, et je me retrouvais aussi bien dans le panier à salade ! La police locale aurait été ravi d’épingler un pervers pépère napoléonien.

 

Lîle de Gozo est moins densément peuplée que l’île de Malte, mais les villages y sont peut-être plus fréquents, et chacun d’entre eux est naturellement dotée d’une église monumentale. L’une d’elle n’a même pas besoin de village pour justifier son existence, et trône fièrement en plein champ, parmi les cactus. L’architecture des villages eux-mêmes est intéressante : partout, des balcons, plus ou moins ouvragés, des bâtiments officiels de belle facture, des maisons restaurés aux murs ocres et lisses comme les fesses d’un bébé (surtout pour l’ocre). Gozo est un musée en plein air.

 

Par contre, comme dans le reste de l’Europe, l’un ne croise plus guère de gens à pied. Ça n’a l’air de rien, mais si vous voyagez hors Europe, enfin surtout dans les pays économiquement moins développé, c’est ce qui frappe : le nombre de gens qu’on peut croiser le long des routes dans les campagnes. On n’a plus idée du phénomène, maintenant que tout le monde est rentré chez son automobile, comme chantait Nougaro. Une noria de bus dessert le moindre recoin, mais la voiture a bien la faveur des Maltais, au taux de motorisation qui doit bien déjà être dans les standards de l’Europe communautaire. A croire qu’il s’agit d’une condition de l’adhésion. L’effet de serre n’est pas prêt de se ralentir.

 

L’autre aspect de Gozo, c’est la lointaine histoire : un temple, qu’on dit antérieur aux pyramides d’Egypte, sobre mais efficace, avec ses immenses pierres levées côte à côte, plusieurs tonnes chacune. Cherchez pas : comme pour les pyramides des pharaons, il ont procédé à la lévitation par l’esprit de la pensée, au lieu de recourir à des moyens ingénieux. Ces ancêtres ne pouvaient quand même pas être plus intelligents que nous, quand même ?

 

(Re) l’autre aspect de Gozo, ce sont les paysages, surtout à l’ouest et au sud, où la mer vient s’écraser sur de hautes falaises. S’écraser est le mot : en grosses déferlantes, la mer vient s’abattre de manière dantesque sur ces fortifications naturelles, faites de falaises et d’encombrements rocheux. Près d’une arche, l’eau s’engouffre violemment dans un piège formé par ces falaises, provoquant un fracas régulier. J’ai beau être une vingtaine de mètres au-dessus, à un moment je me prends un bel embrun, bien qu’ayant commencé à détaler devant l’imminence du petit raz-de-marée local !

 

Les fortins bâtis par les Chevaliers sont partout. Moins fréquents à Gozo, île considérée comme moins stratégiques par nos moines-guerriers, et où la population était tenue, la nuit venue, de se réfugier au sein de la petite citadelle centrale de l’île. Le système défensif est cependant fortement présent le long de la côte de l’île principale.                       

 

           

LES PRESTIGIEUSES TROIS CITES   

           

La Valette. De la première anse de l’agglomération, à Paceville au nord-ouest, jusqu’au fort Ricosoli fermant le « Grand Port » au sud-est, il doit y avoir quelque chose comme presque 40 km de côtes ! La zone est extrêmement découpée, avec même une presqu’île, et deux ports en eaux profondes de part et d’aute du site escarpé de La Valette proprement dit.     

           

Après cette journée bien remplie, lendemain plus calme, à tournicoter dans le sud-est, et autour des Trois Cités. Les Trois Cités, c’est en fait l’origine de La Valette, l’âme du Grand Siège où Malte résista (héroïquement) au méchant envahisseur Turc (alors que quelques siècles auparavant, nous, on libérait la Terre Sainte en massacrant joyeusement quelques âmes noires. Ne pas confondre). Devenues, avec les Anglais, un important secteur industriel (chantiers navals), ls Trois Cités n’en ont pas moins gardé l’essentiel de leurs fortifications, faisant presque miroir à celles de La Valette, de l’autre côté du bras de mer. La zone est même encore plus découpée, entre les « doigts » de Senglea, de Vittoriosa-Birgu et de Kalkara, et s’y balader est une source d’émerveillement pour le gosse adulte plongé dans une imitation grandeur nature réussie de nos châteaux-forts en carton pâte.

 

Non loin, c’est l’étonnant temple souterrain / catacombes de Hal Saflieni, datant de 5000 ans. Ainsi, si loin dans le temps, l’homme semblait chercher à ritualiser la mort, dans l’espoir secret de l’exorciser. Et l’on se prend à penser que, une fois débarrassé du téléphone portable, de la bagnole et, pour certains, du micro et du lecteur de cédés (quoique dans ces deux derniers cas, il s’agit d’instruments vitaux), ces lointains ascendants étaient bien proches de nous, de nos angoisses d’adultes-enfants, enfants face à cet insondable profondeur des connaissances qu’il nous reste à acquérir pour comprendre le Monde, l’Univers et l’éventuel sens de la Vie. Ca m’étonne que Chirac n’ait pas encore promis cela avec sa lutte contre la fracture sociale.

 

A l’est, cette partie de la côte est sans doute l’une des moins belles, avec même l’aéroport et un vaste port de conteneurs. Cependant, Marsaxlokk (marsachloc, ça vous paraîtra plus facile à prononcer) est un petit port bien agréable, surtout avec toutes ses barques colorées et dotées de l’œil d’Osiris, les luzzus. Et puis, il y a toujours quelques constructions, dénommés tours, mais qui se révèlent être de véritables petits fortins imposants, venant donner une note plus enfantine au paysage.

 

 

LA COTE SUD        

 

Dans la logique d’une visite dans le sens des aiguilles d’une montre (je reprends, le lendemain, là où je m’étais arrêté la veille), je poursuis, les deux jours suivants, d’abord vers le sud, puis au sud-est. Mon espoir premier était de grouper du reste ces deux parcours en un, afin de me réserver une journée « visite à pied », mais entre les carrefours loupés, les visites et arrêts-photo, je ne pourrais que m’en tenir à mon programme initial. 

 

Alors que je pensais avoir tous les jours un vent fort permanent de nord-ouest accompagné de nombreux passages pluvieux, le ciel n’a jamais été aussi clair ! Et si, les deux premiers jours, le vent est bien venu du nord-ouest, de force moyenne, il est venu d’est le troisième, même pas très fort, et ce matin, pour ainsi dire pas de vent ! En fait, il se lèvera plus tard, classiquement du nord-ouest, opportunément pour moi pour le chemin du retour. Ce qui me venge du vent subi de face trois jours durant en Sicile.

           

Les environs de la Grotte Bleue sont assez jolis : mer bleu foncé, ciel bleu azur, soleil étincelant d’hiver, côte déserte. J’arrive trop tôt pour la visite à barque (tant mieux pour ma bourse), aussi je me contente de balades à pied bêtement gratuites pour approcher les falaises environnantes. Le mieux de la journée sera autour des sites néolithiques de Hagar Qim et Mnajdra (tracez ce dernier nom sur votre langue sans lever la pointe du crayon), dont l’exact coïncidence des pierres, pourtant gigantesques, préfigure les bâtiments monumentaux créés ensuite par les Chevaliers et leur mécènes européens, avec les fortifications puis les demeures bourgeoises des villages.   

 

Bien sûr, ces temples avaient un objet a priori moins prosaïque (quoi qu’il ne soit rien de prosaïque que la Mort et les rituels tenus autour de ce concept).  L’âme humaine, qui a besoin de voir pour sentir, ne peut que presque ressentir la présence de ces lointains ascendants de l’espèce, dans leur préoccupation naissante de chercher un sens à la Mort, et par delà, à la Vie. Ici, les hommes entendent créer des rituels, espérant créer ainsi une communication avec l’éventuel au-delà : à un endroit, une minuscule ouverture carrée, que l’on suppose liée à la consultation d’oracles. « Ici, votre arrière-arrière-arrière10 petit fils viendra à vélo (kwacéssa ?) contempler les ruines de notre temple ». Tiens donc ? Et pourquoi pas des hommes volant dans les airs, tandis que vous y êtes, Ô grand oracle ?           

           

Ces pierres ont franchi 7000 ans apparemment sans trop d’encombres. Attendrons-nous autant pour détruire l’écosystème avec l’augmentation de l’effet de serre, dans nore satisfaction égoïste d’utiliser la voiture ? Ceci était ma rubrique écolo, afin de satis-faire un clin d’œil à mon potentiel électorat sensibilisé à la question. Pour autant, je ne suis personnellement que moyennement écolo, au sens revendicatif du terme, puisque je serais plutôt favorable à l’énergie nucléaire ! Nostalgie d’un pays autonome disant zut aux Amerloques, d’un système politique tendant à avoir le courage de prendre des grandes décisions nationales, au lieu de la politique du laissez-faire (- les riches et puissants) ? J’avoue n’avoir jamais réussi à devenir vraiment anti-nucléaire – mais je n’irais pas habiter à côté d’une centrale, faut pas pousser non plus.

           

Les falaises de Dingli (attention, on quitte le nucléaire pour replonger dans la Méditerranée de Malte – suivez un peu, que diable !) sont certes élevées : 250 m au-dessus du niveau (actuel) de la mer. En fait, il y a de la triche, car ces falaises utilisent des semelles compensées. La route passe sur une crête à 250 m, dominant brusquement le rivage sud, mais à tout de même environ 500 m de distance. Il y a bien des falaises, mais en deux temps : le premier décrochement domine une bande de champs cultivés, et l’on distingue à peine les vraies falaises plongeant dans la mer, en contrebas de ces champs. Un peu décevant, surtout que le vent rend soudainement les choses un peu pénibles.

 

           

RABAT-MDINA, L’ANCIENNE CAPITALE

           

Les jardins de Buskett et le palais présidentiel proche n’apportent rien : Buskett est la seule « forêt » de l’île, mais il ne s’agit bien que d’un bosquet aujourd’hui, aux dimensions très modestes, et le palais Verdala est guère approchable – et ce qu’on en distingue fait plutôt gentilhommière un peu abandonnée. La vue de loin est bien suffisante. Il n’y a que Rabat et ses catacombes, et surtout la bourgeoise citadelle de Mdina pour relever le niveau de la journée.        

 

A Mdina, on sent tout le poids de la noblesse maltaise ayant rêgné ici durant des siècles, sous l’aile protectrice des Chevaliers basés autour de La Valette. Mdina semble surplomber l’île entière, en tout cas vers le nord et le sud, les régions les plus peuplées. Partout, des villages à touche-touche jusqu’à la capitale « au loin », des églises ocre immenses émergeant de ces moutonnements plats et blancs de maisons.           

 

La petite ville, enserrée dans ses étroites fortifications (en fait, c’est le renforcement de celles-ci, décidé par les Chevaliers, qui ont mangé une grande partie du périmètre de la ville d’origine), est un musée à l’air libre : partout, ce ne sont que demeures cossues, façades sculptées, recherche d’une unité architecturale faisant corps avec la co-cathédrale et les bâtiments officiels. Cette citadelle n’a dû que modérément changer d’aspect depuis cette glorieuse ( ?) période, ce qui en renforce l’intérêt de la visite. L’espace se prêterait parfaitement à des reconstitutions historiques.    

           

 

L’OUEST DE MALTE, NATUREL ET PRESQUE SAUVAGE           

 

Le cinquième jour viendra placer la dernière pièce du puzzle de mon itinéraire : l’ouest de Malte. Aucun grand site ici, si ce ne sont encore quelques églises monumentales le long de gros villages au centre – centre ouest de l’île, devenus ces dernières années la grande banlieue de La Valette (Gharghur, Naxxar, Mosta, Bikirkara, Attard). J’essaie de suivre au plus près la côte escarpée entre Golden Bay et le nord-ouest de Dingli, mais ce n’est pas toujours chose aisée : la zone est la moins densément peuplée de l’île, la côte toute en falaises, donc les routes sont rares. Je pousse parfois le vélo sur des sentiers, ou bien coupe à travers des champs cultivés. De temps à autres, de spectaculaires vues sur la côte sauvage et déchiquetée.                   

           

Il y a là un potentiel de nature, à la fois à préserver (les chasseurs y ont nombre de postes de guet et de filets) et à développer, au moyen de sentiers aménagés. Pourquoi pas un vrai parc national ? Car il existe bien un parc national… qui semble en fait correspondre au stade sportif national, situé non loin de Mdina ! Mais un tel parc (mais non, pas le stade, à tirer des balles dans les filets, confondez pas tout) se heurterait au fort lobby des chasseurs, empêchés de canarder en rond. Imaginez « chasse, pêche et traditions » à la puissance gros con (ce qui, dans la matière indiquée, n’est pas loin d’une puissance infinie). Car si je suis moyennement écolo, j’aime pas bien qu’on tue des animaux (sur terre ou dans l’eau) pour le simple plaisir de tuer, et non pour le réel besoin de se nourrir. A croire que certains humains ont un cerveau qui est resté à l’époque des cavernes… Bon, à la rigueur, ceux pour qui c’est surtout un prétexte pour oxygéner le chien de chasse et le chien de fusil en tirant deux coups en l’air, et encrasser leurs poumons de cigarettes fumées en cours de chemin, je veux bien encore admettre. Faut pas être trop sectaire non plus.

           

Oui, un parc national, surtout qu’entre Mgarr et Rabat-Mdina, il n’existe que le petit village de Saint Victoria – et aussi, il est vrai, pas mal de cultures… Mais qui osera ici, d’autre part, dans une île si densément peuplée (1200 hab/km2), imposer des restrictions de circulation automobiles, au lieu de concevoir toujours plus d’élargissements de chaussées et de boulevards périphériques, celui de Rabat étant presque terminé ?

           

Pourtant, la densité de population n’étant pas d’aujourd’hui, les Maltais auraient dû prendre conscience dès avant de tous ses méfaits. La seule voie ferrée (eh oui, il y en a eu une) a fermé dès 1931 ! Et, par souci sans doute de continuité territoriale, un hélicoptère assure la correspondance des avions arrivant à La Valette pour l’île pourtant rapidement accessible de Gozo ! Comme si, sur de si courtes distances, ce gain de temps s’imposait – surtout que l’héliport de Gozo, en plein champ, suppose encore de prendre un bus ou un taxi pour se rendre à Victoria, à près de 5 km ! Alors qu’on pourrait très bien imaginer un bus direct Victoria-Aéroport (actuellement, il faut changer à La Valette), et passant même via Rabat, cette liaison manquant actuellement. Va falloir que je me recycle dans l’organisation des transports, moi.    

 

RETOUR SUR GOZO EN ACCÉLÉRÉ ET GROS PLAN FALAISES

 

Sixième et dernier jour, sans vélo : retour à Gozo, dont ma première visite n’avait pas pu épuiser les centres d’intérêt. Tactiquement, je m’étais laissé Victoria et sa Citadelle, ainsi que les falaises de Xlendi , deux sites où la marche à pied est plus appropriée. Expérience des bus maltais, tout de charme vieillot. Ces bus ressemblent à de vieilles ladies anglaises, d’âge vénérable mais toujours bien maquillés et dignes. Moteur un peu bruyant toutefois ! Dans ce pays méditerranéen, précision assez suisse des transports en commun. Le bus Sliema-Cirkewwa est pile-poil en correspondance avec le ferry Cirkewwa-Mgarr, lui-même en correspondance avec le bus Mgarr-Victoria… et là s’arrête sinon le cercle, du moins la ligne vertueuse : car dans Gozo, les horaires de bus semblent être calculés pour qu’on ait au moins 30 mn à « perdre » à Victoria… par exemple, à la terrasse d’un café proche, ou bien à faire du lèche-vitrine ? Je n’ose penser que cela puisse être.

 

La visite de la citadelle sera finalement vite expédiée (ouf, une corvée de terminée) : les dimensions sont modestes, ce qui du reste n’enlève rien à la superbe de l’ensemble, et le musée principal, celui de la cathédrale, est fermé. Je vais donc passer plus de temps à Xlendi, sur la côte. Après être resté un peu sur ma faim sur l’île de Malte en matière de falaises, je partais méfiant. En fait, c’est le coin nature que j’ai préféré des deux îles.       

           

Un sentier y longe véritablement le rebord de la falaise, au point qu’il faut parfois faire attention où l’on met les pieds, car certaines plateformes rocheuses instables jouent même les équilibristes entre ciel et mer. Comme pour me donner raison, le vélo se prétait assez mal à cet itinéraire – même si une piste roulable n’est jamais bien loin. Le tout débouche sur de spectaculaires falaises, plongeant à près de 150 m droit dans la Méditerranée. Et pas un seul hôtel, pas une seule buvette, pas un seul dysneyland le long de ce sentier fabuleux. Pas même une moto pétaradante. Mais que fait le syndicat d’initiative ? Ah si, quand même, un peu partout, des installations de chasseurs, dont ces charmants filets propres à capturer les oiseaux – accessoirement à faire perdre l’équilibre au marcheur en rebord de falaise. Astucieux, pour limiter la pression touristique.

 

           

FAUX DEPART

             

Retour, c’est le cas de le dire, à marches forcées sur Victoria, car avant le ferry de ce soir, je ne désespère pas d’avoir le temps de visiter un des musées de La Valette, que la première journée à Malte ne m’a pas laissé le temps d’aborder. Très optimiste. Trop. Malgré de nouveau le bon enchaînement des transports publics, j’avais sous-estimé la distance de l’AJ à La Valette (une dizaine de km), et il est trop tard pour les musées, qui ferment assez tôt (17h00). Allez, dernières dépenses, calculées afin de dépenser jusqu’au dernier centime local, change du reliquat en $ pour un prochain voyage ailleurs, et direction le port, pour embarquement vers la Sicile.

           

Port où je sens bien confusément que mon ferry n’y est pas. Bizarre, ça. A l’entrée du port, le cerbère me cofirme qu’il n’y a pas de liaison ce soir ! Mais me rassure tout de suite : le départ est reporté au lendemain, et il me montre l’imprimé des arrivées / départs prévus le mardi. Au fond, ça m’arrange, car je me disais qu’il m’avait manqué une journée, notamment pour affiner la visite de La Valette. Je n’ai plus qu’à refaire du change (pour à peu près la même somme que je viens de rechanger en $ !), et retourner à l’AJ.

           

J’aurai de la chance : souvent, à cette heure (18h00 passées), il n’y avait déjà plus personne à la réception, et même, la porte principale de l’AJ état déjà fermée. Ce soir, elle est ouverte, et je sais pouvoir trouver la mère aub’ au 6° étage, pour quémander une place. Retour à la même chambre. Et le lendemain, comme prévu, journée musée. Bon, je ne vais quand même pas tous les faire, au moins ceux qui m’inspirent le plus, dont l’intéressant musée archéologique et celui de l’hôpital des Chevaliers (l’Ordre de Saint Jean étant à la base un ordre lié aux soins, avant de devenir par la force des choses un ordre guerrier). Et puis, tournicoter autour des fortifications de La Valette reste un plaisir renouvelé. En fait, j’aurais bien aimé avoir le temps de visiter le musée sur l’Inquisition à Vittoriosa, de l’autre côté du Grand Port, et puis d’autres encore, mais c’est fou ce qu’une journée passée à ne rien faire passe vite !          

 

Mais c’est grosso modo l’esprit satisfait et la curiosité repue que je peux enfin embarquer le soir sur le ferry, bien présent cette fois. L’arrivée par bateau à Malte avait été magnifique, au matin, le départ est encore plus impressionnant de nuit – quoique trop rapide, on quitte trop vite le port. Ce n’est pourtant pas que ce bateau soit bien rapide, guère plus de 25-30 km/h de vitesse commerciale pour rallier la Sicile. Malte m’a livré une partie de ses secrets, mais je réalise que, contrairement à mes prévenances initiales, j’aurais pu passer bien une semaine supplémentaire sans m’ennuyer – pas à vélo bien sûr, mais entre visites, farniente, balade le long des falaises… Petit intermède méditerranéen, moins connu que la Corse, la Sicile ou la Crète, mais qui valait la peine.

 

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