L’HIMALAYA EN DEUX MOTS ET SIX VOYAGES

 

LADAKH-CACHEMIRE

 

TIBET CENTRAL

NEPAL-SIKKIM

 

TIBET DE L’EST

ZHONGDIAN-KANGDING

 

TIBET DU NORD-EST

 

VOIR LA CARTE GLOBALE

 

En 2000, 2001, 2002, 2006 et 2007, j’ai eu l’occasion de parcourir à vélo quatre régions différentes du Tibet : le « petit Tibet » (Ladakh) en Inde, le Tibet Central proprement dit, enfin le Tibet du Nord-Est « en Chine », à ce quoi il faudrait ajouter le Népal et le Sikkim, même si les Tibétains n’y sont pas très nombreux. Voici quelques aperçus de ces quatre zones :

 

LE TIBET INDIEN  LADAKH-CACHEMIRE

 

En premier lieu, le Tibet indien. Il s'agit principalement du Ladakh dépendant du Cachemire donc de Srinagar, ainsi que des petites régions voisines du Lahul, du Kinnaur et du Spiti, dépendant de l'Himachal Pradesh, donc de Shimla. Certes, les monastères n'y ont pas, de loin, la splendeur de ceux du Tibet

Central, l'authenticité n'en est que plus grande. Malgré une présence de plus en plus importante de Kashmiris dans le commerce, et bien sûr d'Indiens dans ce petit Tibet, on est à Leh et dans sa vallée dans une région authentiquement tibétaine, plus que dans certains bourgs du Tibet chinois. En surface, les

trois quarts de la ville de Lhasa sont chinois !

 

Cette région est proche de la frontière avec le Pakistan, et même pour être plus précis de la ligne de cessez-le-feu d'une région âprement disputée entre le Pakistan et l'Inde. Il faut dire que, lors de la décolonisation et de la Partition, le potentat local, hindou, a préféré que son royaume, à population

musulmane, aille rejoindre l'Inde plutôt que le Pakistan. Depuis, régulièrement, le Pakistan s'emploie à récupérer le Cachemire, ainsi que la partie musulmane du Ladakh (région de Kargil, particulièrement proche de la ligne de cessez-le-feu, les panneaux le long de la route l'attestent). Donc, comme en 1999, la route Leh-Srinagar peut se trouver fermée pour cause d'incursions de «combattants pour la liberté» (l'expression de Reagan a fait flores, son ami Oussama en faisait alors partie...). De même, la situation qui prévaut au Cachemire depuis dix ou quinze ans est celle de guerre civile, avec déjà 20 000 morts.

 

Pour autant, ne vous imaginez pas un Cachemire à feu et à sang dans la vie de tous les jours. Normalement, on peut traverser la région à vélo sans trop de problèmes. Disons qu'il n'est pas recommandé d'y faire du camping sauvage (!), et autant éviter de sortir de l'axe principal (Leh-) Srinagar-Jammu via le tunnel du Banihal. Il y a même un très important pèlerinage hindou à la grotte d'Amarnath, sur la route de Kargil/Leh, au pied du col qui permet de se rendre du Cachemire au Ladakh, qui se déroule en juillet, et qui requiert une impressionnante présence militaire tout le long de l'accès (un soldat parfois tous les 200 m !) - ce qui n'a pas empêché, en 2000, à 70 hindous de se faire massacrer...

 

En pleine ville de Srinagar même, il y a un petit temple hindou sur une colline assidûment fréquenté, avec quelques soldats pour surveiller. Donc, la région n'est fermée ni aux hindous (à leurs risques et périls !), ni aux Étrangers, ces derniers n'ayant «que» le risque de se prendre une balle perdue. Je me suis baladé à vélo en ville sans connaître de problème, et les prix des houseboats sont évidemment cassés, vu la situation touristique !

 

Aujourd'hui, les deux accès au Ladakh sont revêtus, à quelques sections près : celui venant de Manali, le plus fantastique des deux (dont deux cols à plus de 5000 m), et bien sûr celui venant de Srinagar. Venant de Chandigarh (au sud de Manali), on n'est pas obligé de passer par Shimla. Cependant, cette station

d'altitude, capitale de l'Himachal Pradesh, a un site vraiment superbe. Et si l'on a le temps, au lieu de passer par Manali (on grimpe d'un coup d'un seul de 2000 m à 4000 m, d'où problème d'acclimatation à l'altitude), on peut muser sur la route Shimla-Rampur-Recong Peo-Tabo-Kaza (ensuite piste, mais le goudron

continue de progresser) qui rattrape la route de Leh juste après le premier col à 4000 m. Auparavant, on aura grimpé un col à 4500 m, mais après une longue acclimatation depuis Tabo.

 

Côté Sikkim, rien de très spectaculaire, sauf probablement octobre-novembre, les deux seuls mois où le temps est clair. Car ici, les monastères sont particulièrement modestes, la seule chose à faire pratiquement est de venir admirer l’Himalaya… à condition de deviner les sommets. Par contre, les conditions de voyage sont déjà nettement plus confortable : pas de situation troublée, pas d’altitude élevée (au moins sur les routes), ravitaillement et hébergement aisé, moins rudimentaires que dans certains coins du Ladakh.

 

LE TIBET NEPALAIS  NEPAL-SIKKIM

 

La partie la plus aisément accessible, la plus connue, bien que les Tibétains y soit minoritaires. Les conditions de voyage y sont les plus favorables pour les Occidentaux, au moins sur les axes principaux, trek y compris (et même surtout, parfois). Ce peut être une excellente première approche du Tibet, le Tibet Central ou même parfois le Ladakh pouvant rebuter pour une première expérience. Il suffit de débarquer à Delhi (et surtout Old Delhi) pour comprendre. Cela dit, le Népal n’est pas bien riche (dans le peloton de queue du quart-monde), et de plus en proie à de gros troubles internes qui ont plutôt tendance à s’amplifier : la guerilla maoïste, profitant de la faiblesse d’un Etat incapable de subvenir à toutes les demandes émanant de tant de zones enclavées, détiendrait la moitié du territoire népalais. Cette guerilla est assez puissante pour déclencher des grêves générales paralysant le pays, et mener la vie dure aux services de l’Etat.

 

Pour autant, à ce jour, les touristes n’ont pas eu à subir de gros dommages. Le danger le plus grand serait de se faire rançonner dans des coins reculés. Les treks principaux, notamment ceux autour de Pokhara ou dans la région entre Kathmandu et Tibet (dont le trek de l’Everest) resteraient sûrs, alors même que certaines de ces régions sont dominés par les Maoïstes (notamment le trek de l’Everest). Les adorateurs du Grand Timonier savent bien qu’il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or. Les routes sont sûres, et lorsque j’ai pu camper, je ne me suis jamais senti en danger – mais les paysans qui me voyaient, eux, si. En 2001, je suis arrivé en plein massacre de la famille royale : émeutes, couvre-feu, gaz lacrymo, ça ne rigolait pas, mais j’ai pu même continuer à me promener dans la Vallée, presque comme si de rien n’était.

 

Malgré son grand dénuement et les troubles politiques, ce pays continue de s’équiper, à la vitesse d’une tortue : le réseau goudronné et même de pistes reste si modeste, qu’il ne peut que se développer. Quelques nouveaux axes apparaissent, rarement indiqués sur les cartes.

 

LE TIBET CHINOIS

 

TIBET CENTRAL

 

Le Tibet chinois : car l'on entend toujours parler du Tibet comme s'il n'y avait que la région de Lhasa. Mais pour des raisons probablement stratégiques, les autorités chinoises ont d'entrée dépecé le Tibet originel en plusieurs tronçons : la fameuse TAR (Tibet Autonomous Region) qui doit représenter en surface plus des trois cinquièmes (mais moins de la moitié en terme de population tibétaine), et une partie des régions chinoises du Yunnan (au sud), du Sichuan (à l'est), du Gansu et du Qinghai (au nord-est et au nord), aux populations tibétaines habituées à la présence de Hans tout proches de longue date.

 

Evidemment, le Tibet Central, avec Lhasa, reste le but de tous les voyageurs, ceux à vélo y compris. C’est nettement justifié par le Tibet Central lui-même, mais les accès sont soit difficiles (est, depuis Kashgar par une piste rude, l’accès ouest depuis le Yunnan étant de plus en plus facilité par le bitumage progressant rapidement), soit un peu monotones (route depuis Golmud).

 

Or, si la TAR reste ouverte à condition aux Étrangers (pas de «visa», mais il faut voyager en groupe, ou bien pouvoir éviter les checkpoints), le reste du Tibet est pratiquement ouvert sans limitation aux Étrangers. Il doit rester quelques comtés toujours interdits, mais étant donné que ce ne sont que des «poches», ils sont aisément évitables, et puis il y a même peu de chances qu'on vous y chinoise, si j'ose dire. J'ai peut-être même séjourné dans une de ces poches durant 3 ou 4 jours sans le savoir, vu que je suis passé par deux points de contrôle de chaque côté, où l'on s'est juste enquis de savoir de quel pays je venais et si j'avais assez d'eau.

 

ROUTE YUNNAN-TIBET

 

Cette route part de Kunming (Yunnan), Dali, Lijiang (enfin, à côté), Zhongdian (désormais rebaptisée Shangrila), Dechen, Gartok (Markham), Wamda (Zuogong), Pasho (Baxoi), Tramog (Pome), Nyangtri, Bayi, Ngapo Zamba (Gyamda), Meldro Gungkar pour arriver à Lhasa. Cette route est en passe de devenir l'axe principal d'entrée, après bien sûr la route Golmud-Lhasa. Les Chinois, et bien sûr les Etrangers, sont de plus en plus nombreux à l'emprunter.

 

Les convois militaires aussi y sont nombreux, on rencontre quotidiennement entre 50 et 100 camions bachés ! C'est peut-être ce qui en a accéléré l'amélioration, à ce jour environ 3/4 du parcours est revêtu. Seule la partie est, entre Dechen et Wamda (Zuogong) subsiste à l'état de piste, ainsi que le tronçon du Gama La entre Bamda et le pont de Nakchu avant Pasho (Baxoi) - et, je suppose, un tronçon autour de Tangme, dans les gorges du Brahmapoutre, car je vois mal, à part un tunnel, comment les Chinois pourraient améliorer ce passage. Mais vu la ténacité des Chinois, je ne doute guère qu'ils en viennent à bout.

 

C'est aussi, sur le plan montagne, l'une des plus belles routes du Tibet, et du monde. J'en ai un fantastique souvenir, d'un parcours en avril/mai, notamment autour du lac Rawok. Par contre, à part à l'Est (entre Wamda et Bamda), les monastères et beaux villages tibétains sont plutôt rares.

 

C'est enfin apparemment la route la plus sûre (ou la moins risquée) pour entrer au Tibet, avec les précautions d'usage. Désormais, il y a même des cyclistes Chinois, que, de loin, rien ne distingue de leurs collègues Etrangers (sinon qu'ils sont souvent peu chargés). On m'a même affirmé que désormais, les bus de cet itinéraire seraient ouverts aux Etrangers. Ça m'étonnerait un peu, mais disons qu'il peut commencer à y avoir, au choix, un certain laxisme ou une certaine tolérance, peut-être un test du fameux système chinois "interdit mais on ferme les yeux"...

 

ROUTE SICHUAN-TIBET NORD

 

Cette route, partant de Chengdu, passe par Kangding (Dartsedo), Xinduqiao, Dawu, Luhuo, Ganzi, Dergé, puis, dans la RAT (Région "Autonome" du Tibet), Jomda, Topa, Chamdo (Changdu pour les Chinois, ne pas confondre avec Chengdu), Ratsaka (Riwoqe), Dengchen, Sok et Nakchu (Naqu), où elle rejoint la route Golmud-Lhasa.

 

Cet axe est touristiquement nettement moins fréquenté que la "classique" route Yunnan-Tibet, et son appendice route Sichuan-Tibet sud (Chengdu-Kangding (Dartsedo), Xinduxio-Yajing, Litang, Batang, et se connectant à la route Yunnan-Tibet à Gartok/Markham). A cela, deux raisons : cette dernière route est généralement plus scénique, et dû à son rôle stratégique (proximité de la frontière indienne, avec des régions revendiquées de part et d'autre), le trafic intense de convois militaires en a justifié l'asphaltage sur les trois-quarts du parcours - mais également pour relier Lhasa à Bayi, les deux villes tibétaines les plus sinis(tr)ées.

 

Une probable troisième raison "historique" de la plus grande fréquentation occidentale : pendant longtemps, le franchissement de la "frontière" Chine-Tibet était relativement moins difficile par le Yunnan, que par le Sichuan, avec les deux redoutables ponts sur le Yangtsé, les rares Etrangers s'y engouffraient donc, profitant de cette fenêtre d'opportunité.

 

Aujourd'hui, ce problème n'est plus, tous les checkpoints (hors les barrières de la police, le plus souvent pour les gros véhicules) ayant disparu. Ce qui n'a pas empêché un motard zélé qui se trouvait là par hasard, tout imbu de son uniforme, de m'arrêter au pont de Batang, téléphonant à je ne sais qui - mais je suis passé le lendemain sans anicroche, le motard enuniformisé étant allé se coucher (devant qui ?).

 

Cet itinéraire nord est donc moins pittoresque que le sud. Ce qui ne veut pas dire qu'il soit ennuyeux. En fait, le plus monotone de tout le parcours se situe à l'est, entre Jomda et Toba, sauf si vous aimez les hauts plateaux à nomades. Mais dans l'ensemble, rien à voir avec ce que j'ai pu apercevoir autour de Nakchu, qui préfigure certainement ce qu'on peut contempler entre Golmud et Lhasa.

 

Surtout, on est dans un Tibet plus authentique que par la route sud, cette dernière étant en voie de sinisation accélérée. Si vous n'êtes pas "lhassé" des monastères, ici c'est en veux-tu en voilà ! Bon, à part celui de Chamdo, et aussi ceux de Dengchen et Sok, ils peinent à rivaliser avec les splendeurs de ceux du Tibet Central, ou du joyau de Labrang dans le Gansu. Surtout, cette région est à 95% tibétaine, très typique. Dans les chefs-lieux de comté, services administratifs (dont le PSB...), quelques commerçants Chinois, et c'est tout !

 

Est-ce pour ça que, bien qu'à l'origine mieux adaptée comme route de transit entre le sud-est de la Chine et le Tibet (bien moins exposée aux effets régulièrement dévastateurs de la mousson que l'itinéraire sud), cette "route" n'a bénéficié d'aucune amélioration notable ? Certes, le goudron progresse à l'est de Chamdo, autre ville tibétaine en cours de sinisation rapide, à terme reliée par asphalte à Dergé donc à Chengdu. Mais plus à l'ouest, rien. De Sok à Nakchu, il doit s'agir de la piste tibétaine la plus fréquentée (150 à 200 véhicules/jour), à moitié défoncée / tôle ondulée, pour laquelle les services cantonniers armés de pelles et de râteaux ne peuvent pas grand' chose pour la maintenir dans état acceptable. Dans un village, j'ai vu un immense panneau dont j'ai cru déduire (mes connaissances en idéogrammes chinois étant plus que limitées) un projet de modernisation (goudron, ou simple amélioration de la piste ?) entre Chamdo et le km 1671 - soit la partie la moins fréquentée ! Mais même si c'est bien ça, il n'y a pas le moindre début d'exécution, il doit s'agir d'un projet à long terme, à mon avis rien à attendre avant 2010 - version optimiste.

 

L'an passé, suite à une malencontreuse erreur (en suivant le plan erroné de Riwoqe dans le guide Footprints), j'avais loupé ce parcours. Cette année, après quelques détours rocambolesques, j'ai pu réaliser cet itinéraire, sans avoir toutefois le temps de rallier Lhasa. Pas trop de regrets, car au sud de Nakchu, les paysages semblaient monotones, avec un fort vent de sud-ouest balayant tout sur une route goudronné certes, mais assez étroite et au trafic pénible. Je plains les cyclos qui se sont farcis cette route de Golmud à Lhasa, parce qu'à l'époque c'était la voie royale pour entrer au Tibet avec le moins de risque, mais sans doute le moins bon rapport difficultés / spectaculaire.

 

ANCIENNE ROUTE TIBET-CHINE

 

Cette "ancienne" route est paradoxalement la plus récente ! C'était la "route" reliant le Tibet à la  Chine, mais par "route", il fallait sans doute entendre "itinéraire caravanier", sinon muletier. Durant longtemps, les gorges à l'ouest de Do Martang (Pelbar) ont constitué un obstacle, et les Chinois ont préféré construire les pistes nord et sud, avant de compléter cet itinéraire central assez récemment. Il n'a du reste aucune vocation de transit, les nouvelles pistes au nord-ouest et au sud-est de Do Martang étant peu entretenues et déjà bien défoncées.

 

Cet itinéraire quitte, à l'ouest, le "barreau d'interconnexion" Chamdo-Bamda non loin du Lona La (col à 4511 m) pour relier Lhorong et Do Martang (Pelbar). Au-delà, elle continue vers Driru (Biru), et rejoint à Drilung la route Sichuan-Tibet nord, 125 km à l'est de Nakchu. De Do Martang, une autre piste vers le sud-ouest permet de gagner Nyemo, Lhari, et de là, soit directement Lhasa, soit Nakchu. Ces dernières pistes passent par plusieurs cols à plus de 5000 m.

 

Route centrale, on est là en plein Tibet : même les agents du PSB semblent être Tibétains ! Ce qui les rend peut-être plus inflexibles... Vie tibétaine rurale typique, petits monastères de partout, même si aucun ne sort véritablement du lot, on est loin des circuits traditionnels du Tibet.

 

Nouvelle route, disais-je. Construite alors que la puissance des véhicules augmentait, est-ce pour ça que le tracé en est souvent si rude ? Alors que sur les deux autres itinéraires parallèles, les montées excèdent rarement 6-7%, et jamais plus de 5% de moyenne, ici, les cols sont à 6,5 ou 7% de moyenne, avec des passages à 10% ! Bon, on a ça dans les Alpes. Mais sur de la mauvaise piste, à 4000-4500 m, avec le poids sur le vélo qu'impose l'autonomie dans cette région, ça devient duraille. Là où, en général je parcoure 60 km/jour, j'en faisais ici 40, devant régulièrement récupérer des éprouvants poussages de vélo dans les montées.

 

L'autre problème est que, comme très rare touriste, de surcroit Etranger et à vélo, on ne passe pas inaperçu, et que les autorités sont sans doute moins coulantes qu'ailleurs. J'ai pu passer Lhorong sans problème, mais me suis fait pincer 20 km après Do Martang, deux agents du PSB me rattrapant, sans doute suite à une dénonciation. J'avais d'abord pensé à l'un des très rares commerçants Chinois levés lors de ma traversée de la ville à l'aube, mais cela n'explique pas qu'ils ne m'aient chopé qu'à midi, à moins d'une heure de jeep. Je penche pour la malchance qu'un Chinois ne m'ait doublé en jeep dans la matinée, et ait averti par portable (redoutable invention) la police. C'est rare, mais il y a toujours quelques citoyens scrupuleux dans ce monde d'indifférence (au Tibet, vous croisez quotidiennement trois ou quatre jeeps de police, dont les occupants vous ignorent, qand ils ne vous gratifient pas d'un "hello" !).

 

Bref, ils m'ont ramené à Do Martang, invité à manger (refus poli), payé la chambre (l'un d'eux voulait même m'inviter chez lui pour la nuit !), mais la sentence restait la même : mis dans le bus du lendemain qui, en deux jours, reliait Pelbar à Chamdo. Et évidemment, le chauffeur avait pour mission, non seulement de ne pas me laisser partir en cours de route, mais en plus, à l'arrivée à Chamdo, de prévenir (par portable, je hais le progrès) le PSB d'un colis à venir récupérer. Le tout se terminera bien : sans doute à cause de l'arrivée tardive (21h), aucun agent du PSB n'avait eu le temps (ou l'envie ?) de se rendre au terminus des bus. Le chauffeur pouvait bien m'exhorter à attendre, empêtré qu'il était sur sa galerie à délivrer les sacs aux autres voyageurs - que je soupçonne d'avoir été complices, au moins passivement, de mon "évasion".

 

Je crois qu'en théorie, on risque une amende de 200 yuans (20€) par jour passé illégalement au Tibet. Ce qui est évidemment à l'entière appréciation de l'agent qui vous arrête ! Si le PSB de Chamdo m'avait bien intercepté, pour peu que je tombe sur un obtus, l'amende pouvait s'avérer salée, sans compter bien sûr la reconduction hors du Tibet. Mais en me faisant la belle et en continuant à rouler dans la Région Autonome, je risquais une peine aggravée. En espérant jouer sur le fait que, personne ne m'ayant parlé en anglais, j'avais cru comprendre que la route de Pelbar était interdite, c'est pour ça qu'on m'avait mis dans un bus pour Chamdo, mais que là, c'était autorisé sur le autres routes.

 

 

TIBET DE L’EST

 

Un axe touristique semble s'être dessiné depuis quelques années (il y en a d'autres, Chengdu-Litang-Zhongdian par exemple) : Chengdu-Songpan-Zoige-Langmusi-Labrang-Lanzhou et de là vers Xi'an, Beijing etc..., ou bien Xining et de là le Xinjiang. Aujourd'hui, il semble que dans n'importe quel bourg, même reculé au fin fond de ce Tibet, il n'y ait plus d'hôtel réservé pour touristes. Dans certains bourgs, le principal hôtel me proposait que des tarifs dignes de grandes villes ? J'allais derechef faire le tour des deux-trois rues du bourg, à rechercher des pensions pas chères - parfois, il y a même une inscription en anglais, mais c'est rare. En mimant l'oreiller, on arrive toujours à se faire comprendre.

 

Les bourgs («county towns», chefs-lieux de comté) ont tous des hôtels, et une distance voisine de la centaine de km entre eux. Ce qui veut dire que, malgré certaines mauvaises pistes (je pense notamment à Songpan-Zoige), il est possible de ne pas s'encombrer de cuisine et tente, et de prévoir une bonne partie de ses étapes de bourg en bourg. Naturellement, cela suppose d'avoir de bonnes jambes quand même ! Bon, cela dit, la cuisine locale est plutôt limitée, grasse et parfois douteuse (les momos n'ont pas toujours une farce de dernière fraîcheur), mais l'eau chaude systématique des hôtels permet de se faire de revigorantes sinon roboratives soupes de nouille instantanées.

 

Côté paysage, cet axe (comme la majorité du Tibet, du reste) est loin de valoir la route Dali-Lhasa, réellement l'une des plus belles routes au monde (j'espère vous faire saliver pour cette route interdite). Par contre, côté bouddhisme tibétain, on n'est pas déçu : de beaux monastères, tant à Zoige que surtout à Langmusi et bien sûr Labrang, ce dernier cumulant la superbe des monastères du Tibet Central (Drepung, Ganden, Sera, et le Potala qui équivaut bien à une sorte de monastère, avec tous les pèlerins s'y rendant et son chemin de pèlerinage autour) et surtout une vie monastique réelle, loin des quasi-musées qu'ont fait les Chinois de ces nouvelles machines à sous citées ci-dessus.

 

En fait, en bien des points on a plus l'impression de se trouver au Tibet dans cette partie-là, que dans la TAR. A Langmusi, par exemple, qui n'est toujours qu'un gros village, on ne voit que des Tibétains (et quelques Huis, minorité locale), et je n'y ai pas vu un seul Han (ethnie chinoise majoritaire). Et que dire de Maqu, comté il est vrai hors de ce circuit touristique (mais proche de Langmusi), dans lequel les 90 % de la population sont Tibétains.

 

Pour les paysages, mon impression est évidemment subjective : pour ceux qui aiment les grands espaces infinies, avec une chaîne de montagne barrant l'horizon, des troupeaux de yaks paissant à l'infini (et des chiens vraiment méchants aux trousses), ils seront comblés. Du reste, à petites doses, je ne déteste pas forcément ce paysage - pour peu que le vent soit favorable et la piste bonne. Mais les pourtours de ce plateau, et notamment vers le nord (en s'approchant de Lanzhou et Xining) réservent d'autre paysages : soit très verdoyants, entre Hezuo et Linxia, soit au contraire arides, avec des canyons de roche rouge, entre Tongren et Xiahe ou vers Xunhua, sans parler des vastes oasis de Lanzhou à Xining.

 

Tongren, un peu à l'écart de cet «axe touristique préférentiel», ajoute à la beauté des paysages la présence de quelques beaux monastères, à l'école de peinture réputée (bon, ça, c'est pour les connaisseurs, mais c'est vrai qu'il y a des peintures d'une rare finesse). Évidemment, visiter Tongren après Labrang, on est un peu blasé...ou bien reposé après un site trop beau pour être vrai.

 

TIBET DU NORD-EST

 

Un autre axe, entièrement revêtu (en 2006), pénètre plus profondément dans le Tibet, sur les marges immédiates de la TAR : il s’agit de la route Chengdu-Maerkang-Litang-Shershul-(Yushu)-Madoi-Xining. En dehors de la TAR, c’est l’itinéraire le plus haut, presque constamment à plus de 4000 m. Par contre, le Bayan Har Shankou, que l’on voit indiqué souvent à 5000 m, n’est en fait « qu’à » 4800 m. La première partie, jusqu’à Yushu, est assez scénique, avec de belles montagnes, des gorges, de nombreux monastères : Tagang, Tawu, Drango, Ganzi, Derge, Yushu. La deuxième partie, de Yushu à Xining, est celle des hauts plateaux, avec de vastes paysages, des lacs gelés.

 

Jusqu’à Manigango, cette route est commune avec celle dite « route Sichuan-Tibet Nord », via Ganzi, Derge, Chamdo, Nakchu, Lhasa. Assez peu de cyclistes la parcourent : les paysages doivent y être moins fantastiques que par la route Yunnan-Tibet, mais plus de monastères- quoique la présence du PSB soit une gêne pour leur visite, car ils sont situés souvent près de leurs bureaux !

 

ZHONGDIAN-KANGDING

 

La plus belle route, hors l’axe Yunnan-Lhasa : la route Zhongdian (Yunnan)-Litang-Kangding. Une des routes les plus dures, passant en permanence de vallées à 3000 m vers des cols à plus de 4000 m. Cet axe est de plus enjolivé par de superbes maisons tibétaines, les plus beaux de tous. Il y a également quelques beaux monastères : Zhongdian, Xiangcheng, Litang, Kangding

 

 

Gaffe à l'argent : partez du principe qu'en dehors des grandes villes du pourtour (Dali/Lijiang au sud, Chengdu, Lanzhou, Xining), il n'est pas possible de changer de l'argent, hormis Xiahe (Labrang). Par contre, côté internet, c'est le miracle du village global : on trouve des cybercafés dans de nombreux bourgs (enfin, assez grands et pas trop reculés quand même), avec des connexions souvent bonnes et pour des prix dérisoires (2 à 5 FF l'heure). Ces cybercafés servent surtout pour les gamins pour jouer à des play stations, les micros sont ainsi rentabilisés - et peut-être même subventionnés ?!

 

Inutile de dire qu'au pays du vélo, chaque bourg a ses vendeurs et réparateurs ! Évidemment, pour le Shimano dernier cri, il faudra repasser (on doit trouver à Lanzhou, et probablement à Chengdu), mais au moins on y trouve le nécessaire : pneus et chambres à air 26 pouces, patins de frein, cables...et côté réparation, tout le génie de la bricole des pays en voie de développement, qui ravissent nos âmes simplistes et rudimentaires, habituées au prêt-à-jeter.

 

Côté état des routes, la situation est pour l'instant mitigée, repassez dans une dizaine d'années : un quart de route, un quart de bonne piste, un quart de mauvaise piste, et un quart d'ancienne route ou ancienne piste en travaux sur des dizaines et des dizaines de km, avec des centaines de petites mains s'activant à terrasser un peu partout en prévision de la future chaussée aux dimensions autoroutières. Ils font du bon boulot, mais ils prennent leur temps, c'est pas le goudron indien posé à la main sur 4 m de large, progressant chaque jour ! Mais dans l'ensemble, pour peu qu'on ne s'écarte pas trop des grands itinéraires, les chaussées se roulent assez bien, c'est rarement de la piste guatémaltèque ou pire, népalaise.

 

Un excellent guide pour visiter cette région : bien sûr, on oubliera le sympathique GdR, qui ignore (pour l'instant) ce coin, et puis les choses changent trop vite actuellement pour qu'un guide français puisse suivre. Il s'agit du Kotan, un guide japonais traduit en anglais, et qui porte sur tout le Tibet (Ladakh y compris). Je ne pense pas qu'on le trouve en France (quoique), mais outre qu'on peut le trouver via internet (Amazon.com le vend), on doit pouvoir le trouver d'occaz à Kathmandu, qui regorge de guides de tous horizons. Un autre bon guide, plus culturel (un peu le «Guide Bleu» du Tibet) est le Footprint Handbook, une somme impressionnante d'infos, qu'on doit pouvoir trouver dans les mêmes conditions (mais aussi dans certaines Fnac).

 

Pour les cartes, vous ne pouvez guère éviter les Nelles, les seules cartes occidentales un peu détaillées (la Chine en cinq cartes je crois). On leur reproche leurs nombreuses erreurs, je trouve encore qu'il n'y en a pas tant que ça (mais sur l'instant, ça désoriente). Sur place, en complément, de très bonnes cartes par région (Sichuan, Qinghai, Gansu, Tibet), avec évidemment les noms écrits en chinois, mais au moins on peut demander son chemin en route. Ces cartes sont très fiables, donc complémentaires des Nelles en caractères latins.

 

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