LHASA-KATHMANDU : N’Y ALLEZ PAS !

La grande mode, depuis quelques années, c’est de faire Lhasa-Kathmandu à vélo, parfois même par certains qui n’ont jamais touché un vélo de leur vie. C’est LE truc à faire, genre faut pas mourir idiot, sous panne de passer pour un touriste beta – enfin, un touriste lambda, quoi. Si la route est effectivement la seule réellement autorisée aux véhicules, il s’agit de jeeps de groupes ou assimilés, les vélos y restent théoriquement interdits, et il y a des checkposts sur cette route comme les autres, peut-être même plus. Bref, mis à part la distance relativement courte (900 km jusqu’à la frontière népalaise), le fait de passer par Shigatse (splendide monastère) et Gyantse, et d’apercevoir au loin l’Everest (vers Dingri), cet itinéraire n’est pas le plus passionnant. A la rigueur, c’est peut-être le plus facile à vélo, hors la route goudronnée venant de Golmud (probablement encore moins passionnante. Ici, plus beau c’est, plus dur c’est).

En fait, la police chinoise sait que de nombreux cyclos font cette route malgré l’interdiction, et il paraît que de temps en temps, ils « font le ménage ». Tandis que sur les routes franchement interdites (celles qui viennent de Kashgar, Golmud, et surtout Chengdu et Kunming), ils s’attendent moins à voir des Etrangers oser braver l’interdiction, et je pense qu’en général on doit y avoir moins d’ennuis.  

J’en veux pour preuve que, de l’entrée du Tibet depuis le Yunnan jusqu’aux environs de Lhasa, j’ai été croisé ou doublé par une trentaine de véhicules de police, et aucun n’a jugé utile de me demander quoi que ce soit. Pour mes suiveurs, ce fut pareil, le seul véhicule de police s’étant arrêté pour leur intimer de ne pas camper à l’entrée d’un bourg ! En fait, la seule prudence, gênante pour ceux attachés au « confort » d’un « bon » hôtel tibétain, est, le long de ces routes interdites, de ne pas rester la nuit dans les bourgs-chefs lieux de comté. Ça tombe bien, pratiquement tout le long de cette route il est facile de camper – contrairement à après Lhasa, où c’est un peu galère pour camper discret.

Surtout, surtout, la route Yunnan-Lhasa est sans doute la plus belle, en particulier dans sa première moitié. C’est rarement le Tibet haut et sec rencontré après Lhasa, on dirait parfois plutôt les Alpes ou les Pyrénées, voire la Norvège (vers le lac Rawu), avec de gros dénivelés puisque les vallées sont basses (2000, 2500 m) et les cols presque aussi hauts qu’ailleurs (4500 à 5000 m). Bon courage à ceux qui n’ont jamais touché un vélo de leur vie !

Il m’aura fallu 30 jours pour couvrir les 1500 km séparant Zhongdain (la véritable entrée au Tibet) et Lhasa. Les jeunes me suivant (24 et 25 ans), en outre moins lourdement chargés (20 kg de bagages chacun), n’ont mis que 20 jours. De Dali à Kathmandu, il m’aura fallu deux mois, jours de repos compris.

A mon avis, je ne suis pas sûr qu’on puisse bien apprécier un Lhasa-Kathmandu comme destination de congés annuels (un mois) : on a beau rester quelques jours à Lhasa pour s’acclimater à l’altitude, je doute que ça suffise pour s’accoutumer aussi à l’effort en altitude.  Pour ma part, si les premiers cols, même à moins de 4500 m, m’ont fait souffrir, les derniers à plus de 5000 m après Lhasa se sont bien mieux passés : l’entraînement depuis le Yunnan était passé par là.

Le mythe de faire « la route la plus haute du monde » (enfin, l’une d’entre elles) peut se suffire à lui-même, mais si, dans des paysages souvent monotones (sauf entre les deux premiers cols, si au départ de Lhasa on prend l’itinéraire via Gyantsé), on souffre en plus à monter parce que le corps manque d’accoutumance, je ne vois plus trop l’intérêt. Signalons que pour une véritable accoutumance du taux de globules rouges, il faut de 1 à 3 semaines selon les individus. Si vous avez la chance de faire partie des précoces, OK pour vous. Sinon, bonjour la galère pour votre mois de congés annuels…Testez-vous alors plutôt sur le Ladakh (Inde nord), où la montée en haute altitude est relativement plus progressive (les cols à plus de 5000 sont dans la deuxième moitié du parcours).

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