COL DU COUARD : SUSVISES S'ABSTENIR
Bien, après quelques
années de pérégrinations vers les cols d'Outre-Eden (la France, vous avez
reconnu), me voici de retour au bercail. Tiens, l'Oisans, au fait, pourquoi
pas ? Le TDF (Tour du France, autant dire Tour de l'Eden) vient d'y connaître
il y a quelques jours les joies de la neige. Vous imaginez pas le frisson :
rouler là où nos aventuriers des temps modernes subirent les foucades
climatiques du bon dieu, juste une semaine avant !
Allez, on va tout de
même sortir des sentiers battus. La Bible Chauvot m'indique un certain Col du
Sabot, accessible désormais en piste : tout à fait ce qu'il me faut, moi et
mes petites jambes mal remis de mon voyage au Proche-Orient. 1400 m de montée
depuis Rochetaillée, ça devrait aller pour une remise en forme progressive.
Jusqu'à Vaujany, je
choisis le chemin des écoliers, passant par la rive gauche du Flumet et
montant gentiment depuis la vallée, ce qui me permet d'atteindre l'altitude
1250 sans m'en rendre vraiment compte. Vaujany, m'y voici ! Au hameau de la
Villette, je vois un chemin partir sur la droite, indiquant le Col du Couard,
mais je laisse ça aux dingos ; encore sûrement un de ces sentiers escarpés
qu'on escalade, le vélo en guise de piolet et les tendeurs en guise de corde
de rappel. Bon, je crois bien deviner, tout là-haut, une piste pentue faisant
quelques zig-zags en direction de ce col, mais combien de fois j'ai cru
deviner des pistes qui n'étaient que des chemins de chamois - qui, eux, ont
bien du bol de ne pas avoir que la peau.
Mais voilà-t'y pas que
juste après, la route se divise, avec un panneau de la DDE indiquant à gauche
le Col du Sabot, à droite, le Col du Couard ? Allons donc, "ils" nous ont fait
une nouvelle piste, rien que pour nous tout exprès les cyclo-colistes, et que
je vais être naturellement obligé de me farcir ! Il ne me reste plus qu'à
espérer qu'en haut je puisse joindre les deux bouts, autrement dit les deux
cols.
Je m'élance donc sur
ce chemin, qui rejoint en fond de val celui venant de la Villette. Au début,
la montée se roule, mais je ne me fais pas d'illusion : la pente devient
rapidement trop forte, et je ne peux que piteusement pousser le vélo sur ce
chemin pour 4x4 pas trop poussifs. J'atteins enfin 1800 m, une station de
télé-fesses diverses, avec une bonne piste continuant tout droit en direction
probable du Col de Poutran, et un vieux chemin à gauche vers le Col du Couard.
Je m'y engage, mais le doute m'assaille : ça n'a rien d'une nouvelle piste qui
serait créée récemment, et je vois mal comment, sur sa lancée, ce chemin
pourrait aller jusqu'au col...
Allons-y quand même,
j'en ai déjà trop sué pour laisser tomber si vite. A pousser, me voici enfin à
1950 m...et le chemin qui oblique sur la droite, gagnant une station
supérieure de télé-siège non loin. En contrebas, on voit parfaitement le
sentier vers le col, passant dans un défilé, puis se cabrant pour monter vers
le col, quasi-verticalement dirait-on. Mais ne s'agit-il pas d'une illusion
d'optique ? Il est vrai que ma carte Didier Richard (au kg, ces cartes
reviennent moins cher que les Topo 25, avec une moins bonne échelle il est
vrai) signale un sentier difficile...ou névés en début de saison. Malin, ça !
Car c'est sûr qu'un fond de torrent, c'est un lieu propice pour les plaques de
neige. Tant pis, je tente le coup, je redescends vers le sentier. Celui-ci
passe d'abord entre les rocailles, mais le long du torrent, ça devrait
s'arranger.
Ben ça ne s'arrange
pas, car après le pierrer, le sentier au lieu de longer le torrent escalade en
fait la montagne. Au lieu de raisonnablement laisser tomber, voilà que
j'escalade à mon tour le sentier, en portant le vélo ! Bientôt, je me rends
compte que ce cirque va durer pratiquement jusqu'au col, soit sur 350 m de
dénivelé, avec même deux endroits où il faut hisser le vélo. En ce dimanche
d'été, je croise bien évidemment du monde, assez curieusement des gens sans
vélo (on se demande un peu...). Je les rassure partiellement sur ma santé
mentale, en leur racontant que je promène ma brosse à dents. Cela dit, ces
gens sans vélo, en pleine montagne, vous trouvez ça normal, vous ?
Col du Couard, 2234 m.
Euh, pas que je sois peureux, mais j'ai pas envie de redescendre ce que je
viens de grimper. Fuite en avant, on va voir devant comment c'est. Enfin, pas
devant, car ça redescend vers le lac de Grand Maison, et c'est pas mon
objectif. Essayons donc à flanc de montagne, hors sentier, de rejoindre le Col
du Sabot. Facile, j'arrive même à rouler sur l'herbe !
Mmh, ça se "difficultise".
Je roule, puis pousse sur un flanc de plus en plus pentu, j'en viens à me
demander comment je fais pour tenir encore à la verticale. Le lac de Grand
Maison apparaît vertigineusement en contrebas, et après 2 km, je dois
traverser un passage délicat, sans être sûr qu'il n'y en aura pas d'autres du
même tonneau ensuite. Je laisse tomber. Pas totalement. Si je ne peux joindre
le Col du Sabot à flanc de montagne, j'y arriverai peut-être par les crètes ?
C'est herbeux de ce côté, il ne reste plus qu'à espérer qu'il en soit de même
de l'autre côté...
Les marmottes galopent
en tout sens. Dame, pas de sentier, donc pas de touriste, donc ces animaux
pullulent. N'empêche : ces sales bêtes, avec leurs petits sentiers tracés à
force de nombreux passages, nous détruisent notre nature à nous. Quand est-ce
que les écolos proposeront la destruction de ces nuisibles, afin que nos
montagnes conservent leur totale virginité ? Sans compter ces fleurs qui
poussent, volant la place à l'herbe et aux pierres. Un peu de défoliant
devrait pouvoir faire l'affaire...
J'atteins enfin la
crête : en face, le vide. Bien en contrebas, une fermette, mais comment
descendre si bas en si peu de distance ? Tout simplement, on suit le torrent.
Mais devant un quasi à-pic, il me faut longer la falaise, et remonter vers les
sommets, contourner longuement et traverser prudemment une zone caillouteuse
bien inclinée. Ouf ! En fait, j'atteins une deuxième falaise, que je longe
cette fois en redescendant vers la bouche du torrent.
Pour la descente, je
choisis une zone herbeuse. Du 90 % ! Mais vous connaissez certainement ma
propension à exagérer ; en fait, la pente ne fait guère plus de 87,5 %.
Ben c'est pas tout ça,
mais il me faut remonter une soixantaine de mètres vers le col. Ah, un
emballage de pizza, j'approche enfin de notre bonne vieille civilisation ! Un
cabanon, j'atteins enfin un petit sentier. Je viens de parcourir 9 km hors
route ou piste, en...7 heures. Promis, la prochaine fois, j'augmente le
handicap : j'embarque un sac de 50 kg de ciment sur un col à franchir en
portage. Le Col du Sabot, 2100 m. C'est exact, une piste atteint désormais ce
col, redescendant sur Vaujany et le Collet. Descente pas de tout repos, car le
vélo paye de mes efforts : le petit plateau a perdu ses boulons, idem pour le
porte - bagage, et je me demande si je ne vais pas devoir terminer la descente
en portant le vélo sur le dos !
Bon, on remet ça quand
?