LES CONS PÈTENT

 

Bon. Sarko élu haut la main, puis même pas un an plus tard, c’est tout juste si l’on ne le jetterait pas avec l’eau du bébé (alors qu’il suffit de taper « ctrl+z » sur son clavier, pouf pouf on r’commence tout). On a l’habitude. On dirait que ses électeurs ont oublié qu’ils ont voté pour lui, ou qu’ils découvrent que, finalement, il n’est pas si bon que ça, oh ben zut alors. Lors d’échéances électorales « mineures » intermédiaires ou référendums, coup de barre à gauche, histoire de râler. Par contre, dès qu’une échéance sérieuse se représente, on retrouve une majorité pour réélire le même individu, conspué quelques jours auparavant. On a vu avec Bush, Chirac, Thatcher, etc. (et avec Mitterrand, ajouteront certains, dont la politique sur l’ensemble de ses dix années ne peut être qualifiée que difficilement de gauche, même si elle fut adroite). A désespérer de la démocratie.

 

En fait, le problème n’est pas là. Il est : comment, de manière presque constante depuis que la démocratie existe, que donc les gens votent en leur âme et conscience et en toute liberté, ce sont très majoritairement des représentants de la haute bourgeoisie qui tiennent les rênes ? Que les partis de gauche ne font que de brèves incursions ?

 

Ils représenteraient la politique qui conviendrait au plus grand nombre : immense canular, on sait bien que les riches font la politique qui convient aux riches, les millions de loosers que nous sommes n’en ramassent au mieux que les miettes. Si un smicard ou assimilé (tout looser gagnant moins de 3000€/mois étant un smicard assimilé, inutile de PT plus O que son Q) s’imagine que son patron, en politique, va se comporter différemment que dans son entreprise, c’est qu’il est d’une naïveté dépassant l’entendement. La schizophrénie, ça ne concerne que l’électeur, pas l’élu (quoique).

 

Les gens seraient influencés par les médias : bon, pas faux, à force d’être endoctrinés par le journal des mal-entravants de TF1, et la vente par lots du cerveau des téléspectateurs à Coca Cola, ça finit par influencer les conduites. Il suffit de voir l’affaire du Tibet : il y a quelques mois, c’est tout juste si la plupart savaient que cette région du monde existait (j’exagère, mais à peine). D’un coup d’un seul, ignorant tout du passé complexe qui caractérisent les relations entre ces deux pays (dont le fait que, juste avant l’invasion chinoise, le système tibétain n’était jamais qu’un système théocratique esclavagiste, l’un des moins recommandables de l’époque), tout le monde prend partie contre la Chine, ne remarquant même pas la manipulation (avant tout, la Chine devient un redoutable concurrent économique). Ça rappelle la zorglonde dans Spirou et Fantasio (j’ai mes lettres, qu’est-ce que vous croyez). Le lavage de cerveau, la télé sait faire.

 

Mais bon, les gens ne sont quand même pas si stupides, il faudrait être stupide pour s’en tenir à cette explication : certes, ils sont, nous sommes, en permanence manipulés par les médias tout comme par la pub, mais nous en sommes un minimum conscients, et pour les choses essentielles, en théorie, nous reprenons une partie du contrôle pour peu qu'on s'en donne la peine. On peut se faire vendre un baril d’une poudre miracle pour snif… euh laver le linge, mais le coup d’après, on ne se fera pas avoir, et on achètera les deux barils d’une poudre quelconque, si l’on finit par voir qu’on y gagne.

 

En politique, non. Décennie après décennie, après avoir tout de même essayé de manière exceptionnelle les deux barils, qui s’avèrent assez efficaces, les gens reviennent au baril-miracle, alors même qu’ils savent que 5 ans ou 10 ans avant, ils se sont déjà fait flouer (Berlusconi). Amnésie collective ? Régression infantile au profit d’un Père Noël de pacotille ? Masochisme ?

 

Osons une autre explication. Actuellement, nous sommes en plein papy-boom. Celui-ci résulte du fameux baby-boom d’après la seconde guerre mondiale. Quand on regarde les pyramides des âges du vingtième siècle, on voit de grands trous, résultant des guerres, et par opposition un fort taux d’élévation des naissances juste après les guerres, le fameux repeuplement.

 

Certes, à l’époque, il y eut des appels, notamment d’hommes politiques, invitant les couples à faire un maximum d’enfants afin de « repeupler la France » (ou l’Allemagne, ou la Russie, etc.), mission à laquelle Debré sénior avait consacré toute son énergie (non, pas ainsi, bande de dépravés).. Mais fondamentalement, ce ne sont pas ces appels « civiques » qui ont convaincu les gens. Je ne pense pas que beaucoup de couples se sont dits alors « tiens, ce soir, on va repeupler la France, c’est notre mission ». Non, ils ont, comme on dit, conçu un projet parental (puis deux, puis trois…), le tout en parfaite liberté d’acte, totalement déconnecté en apparence de ce besoin national de reconstituer la pyramide des âges.

 

Et pourtant, le résultat est là : il y a eu plus de naissance. Cela choque l’idée mécréante que je me fais du libre arbitre, mais il est certain que nos conduites globales sont, au moins partiellement, déterminées par des comportements super-structurels. Après-guerre, il y a des gens qui, de toutes manières, auraient fait un ou des gosses, qu’il y ait eu guerre ou non. D’autres, inversement, n’en ont pas fait. Et puis, un certain nombre de gens en ont fait, qui n’en auraient pas fait s’il n’y avait pas eu un déficit démographique. C'était, en apparence, leur choix individuel, personnel, mûrement réfléchi, sans demander l'avis au voisin ou au ministre.

 

Cette super-structure, c’est quoi ? La perpétuation de l’espèce. Il réside en nous des messages d’alerte, dont nous n’avons pas conscience, mais qui influencent nos décisions. Et l’influence va certainement au-delà de ce que nous percevons au premier abord. Si certains couples « auraient dû » faire des gosses après-guerre (influencés qu’ils étaient par la zorglonde) et que, soit finalement ils ont laissé tomber, soit manque de bol, soit stérilité, fausse couche etc., eh bien passe à ton voisin, ce sont d’autres couples qui, à leur insu, ont comblé le déficit, et d’autres couples encore étaient sur la « liste complémentaire », qui auraient pris la relève si les précédents également n’avaient pas repeuplé l’espèce humaine dans le secteur géographique (national) concerné. On n’est pas loin des messages chimiques que se transmettent les insectes, ça relativise beaucoup la vision altière que nous avons de nous-mêmes.

 

La sélection naturelle est le résultat le plus clair de cette superstructure. Il s’agit d’un processus entièrement lié au hasard, mais qui a fini par installer l’homme au sommet de la pyramide… des espèces vivantes. Notons que ça aurait tout aussi bien pu être le babouin, le chien, le dauphin, un serpent ou un dinosaure (voire un bush, qui sait), il n’y a pas, en tant que tel, un dessein quelconque d’une entité suprême dans la destinée spécifique de l'espèce humaine. Pas de main divine là-dedans.

 

L’homme n’est plus vraiment lié à la sélection naturelle dans sa vie de tous les jours, il s’en est grandement affranchi. Par son principe d’évolution hasardeuse, le rythme d’évolution de la sélection naturelle, qui continue néanmoins son bonhomme de chemin, à moindre vitesse, ne peut suivre depuis belle lurette les contraintes de notre vie en société. Aujourd’hui, il est plus important de s’adapter aux nouvelles technologies, que de savoir assommer un buffle avec ses deux poings, et sans remuer les oreilles (ça, c’est le chic ultime).

 

Pour autant, l’espèce humaine est fondamentalement armée, par la sélection naturelle, pour faire face à des situations qui prévalaient quelques millénaires plus tôt. Nous en sommes encore principalement, de manière inconsciente, à assurer avant tout la perpétuation de l’espèce (quoi que quelques guerres de ci de là pourraient en faire douter), ainsi qu’à être en permanence en compétition, le moteur principal de la sélection naturelle.

 

Du berceau à la mort, l’homme est en compétition, en concurrence, soit avec les éléments de son environnement (animaux, végétation), soit avec les autres membres de la même espèce. Il y a même compétition entre frères et sœurs ! Celle-ci est permanente, tout comme les pulsions sexuelles, refoulées ou non, qui guident nombre de nos actes, même en totale déconnection (séduction pour remporter une affaire… ou des élections).

 

Le capitalisme est le vecteur idéal de la compétition. C’est la loi du plus fort, du plus ingénieux, parfois et même souvent du moins scrupuleux (ce qui est une forme de force : moi d’abord, tant pis pour les autres). Le capitalisme, c’est, quelque part, l’expression achevée de la sélection naturelle, qu’importe si, comme je l’écrivais ci-dessus, l’espèce humaine s’affranchit dans la vie de tous les jours de ce mode de fonctionnement, dans son propre intérêt

 

Ma théorie, légèrement délirante diront certains (mais il est bon de lire des délires), est que finalement l’électeur est, in fine, influencé par la sélection naturelle. Tout comme il se reproduit comme des lapins après un creux démographique en croyant pourtant décider librement, il vote régulièrement en faveur de la compétition et du capitalisme, sans en avoir conscience, en croyant choisir en parfaite connaissance de cause.

 

Les systèmes politiques concurrents (encore de la compétition !) au capitalisme (socialisme, écologie…) ne « parlent » pas à notre cerveau reptilien. Ils obligent à un effort bien plus considérable de réflexion que nous ne nous imaginons. Certains, à quelques éclairs de conscience près, ne vont pas aussi loin. Le capitalisme, c’est la glorification du « chacun pour soi ». Et dans la conduite du monde ou du pays, ce qui nous intéresse avant tout, c’est la gestion de nous-mêmes et de nos proches, les personnes en qui nous avons le plus confiantes. La confiance en l’autre, en l’étranger (parfois immigré de surcroit), à laquelle la plupart des autres modes de fonctionnement politique font appel, ne va pas de soi, et c’est valable pour tout le monde (et souvent justifié par des expériences malheureuses, même si l’on fait plus souvent « rouler » par des proches, en qui on avait toute confiance, que par de parfaits étrangers).

 

Au moment de mettre son bulletin dans l’urne, de décider de la gestion d’une nation, l’électeur, celui qui repeuple la France au moment où il faut, au moment où la nature le lui a demandé, a tendance à remettre en selle les représentants d’un système mettant en valeur le « chacun pour soi », même s’il en voit les sinistres résultats à longueur de temps. C’est quasi-compulsif. Je veux voter pour le changement, mais finalement et inconsciemment, je laisse la sélection naturelle choisir le bulletin de vote pour moi. Laquelle, pour assurer la perpétuation de l’espèce, retient le système mettant la compétition en exergue.

 

Et tant pis si ce n’est pas vers quoi évolue fondamentalement l’espèce humaine, nous retenant ainsi dans les toiles du lointain passé dinosauresque. Tant pis si ce système, pas très éloigné de la royauté et du féodalisme, profite à une toute petite minorité, au détriment d’une immense majorité. Nous continuons à être des fourmis travailleuses, soldats etc. au service d’une reine grassouillette, la classe dirigeante, qui préside à la destinée de la fourmilière. Ça valait le coup pour nos pères de mettre à bas des rois ignobles, de mourir pour des Révolution et des Commune, voir leurs lointains enfants se contenter d'avoir le portable scotché à l'oreille en guise de toute réflexion sur le devenir de l'espèce...

 

A mon sens, il faudra attendre longtemps avant que l’espèce humaine soit mûre pour dépasser ce niveau, et opter pour des politiques moins instinctives, moins « en-dessous de la ceinture », surtout quand tout concourt à cette suprématie du capitalisme : le pouvoir du fric, l'influence immense des médias, l'allégeance au système en place... Que le meilleur gagne ! Et n'oubliez pas de repeupler la France, la prochaine fois qu'on guerroiera contre les Chinois pour le pétr... euh, pour libérer le Tibet.