XIAN OU LES TRIBULATIONS D'UN TOURISTE SANS GUIDE POUR LE GUIDER

 

Depuis le Tibet, j'avais donc choisi Xi'an comme point de chute intermédiaire, tel Rahan laissant à son coutelas le soin de décider de sa route. Enfin, pas tout à fait : je connaissais Xi'an de nom, pour être un centre touristique de premier plan en Chine, notamment à cause de sa célèbre Armée en Terre Cuite enterrée. Mais, dans l'obsession propre à tout voyageur, notamment à vélo, de m'alléger là où je pouvais, je n'avais conservé du Guide du Richard que les pages Shanghaï, mon point de sortie du Pays du Milieu. En arrivant à la gare de Xi'an, je n'avais donc aucune info, si ce n'est des prospectus d'hôtels "budget" - et en fait, par la suite, jamais je ne trouverai celui sur lequel j'avais jeté mon dévolu, parce qu'il fournissait les explications les plus claires pour y accéder (!), et qu'il promettait des vélos en location.

 

En fait, à peine sorti du hall de la gare j'étais "dragué"par un type proposant un hôtel tout près (en m'agitant sous le nez le prospectus d'une AJ vantée par le LP qui n'avait rien à voir avec notre destination, mais qu'importe), bien mieux que ma liste d'hôtels supposant un parcours en bus urbain dans la nuit, sans savoir où descendre,  puis repérer une ruelle dans la lumière blafarde propre aux villes chinoises. Au moins, les tarifs des prospectus me permettaient de négocier un prix en fonction du coût estimé  de cette métropole touristique 100¥ (15€) pour une "single". Faut bien que le rabatteur ait sa ristourne.

 

L'hypercentre de cette métropole, simple capitale provinciale qui pèse tout simplement ses 7 millions d'habitants, est ceinturé de remparts, délimitant dans l'immédiat le secteur à parcourir. Inévitablement, je devais tomber sur une porte monumentale, y découvrant que le tour complet était possible. Une manière de prendre la... mesure de la ville. Je n'avais pas réalisé les distances, le tour total, ainsi que je l'apprendrai plus tard, fait 10,5 km !  Et même s'il y a régulièrement quelques portes, ou anciennes redoutes reconverties en toilettes bienvenues, ça devient rapidement ennuyeux pour un non-adepte du jogging, car il peut y avoir près d’un km de distance entre deux bâtiments.

 

C'est là que je commence à croiser des touristes Chinois à vélo ! Le temps passant, même des Occidentaux ! En fait, à part les balayeurs, une marathonienne Chinoise s'entraînant sûrement pour 2008 et un couple d'Occidentaux acharnés de la marche rien qu'à voir la corne de leurs chaussures, je suis le seul bipède du secteur ! Etant d'une rare intelligence (pas nécessairement par le haut), je comprends après le délai nécessaire pour un canon pour refroidir, qu'il y a un service de location de vélo à la porte est - en fait, à chaque porte, mais j'ai manqué celle de la porte nord de peu, parti du mauvais côté. La location est de 20 ¥ pour 100 mn, temps qui me semble de prime abord très largement suffisant, ayant déjà visité deux des quatre portes principales.

 

Ça faisait très longtemps que je n'avais pas manipulé, ou plutôt piédibulé un vélo sans vitesse. Ce qui me fait dire que les concepteurs des vélos sans vitesse n'en ont jamais fait de leur vie, ou bien sont grassement rémunérés en sous-main par l'industrie automobile et pétrolière (ce qui expliquerait pourquoi on voit parfois Bush et Sarquomodo sur un vélo, presque en tandem). Même sur du plat, à chaque tour de pédale, il faut forcer ! M'étonne pas que trente ans en arrière le vélo était aussi peu populaire - et nos aïeux, habitués à la rude, avaient les mollets galbés.

 

Eh bien, entre quelques arrêts photo et les pavés disjoints, et un sprint époïque autant qu'héroïque, il me faudra tout de même 85 mn, malgré l'entraînement du Tibet emmagasiné ! Le préposé ayant de plus triché de 6 mn (volontairement, car on avait la même heure), j'aurais facilement dépassé le délai, tolérance de 5-10 mn comprise, en flânant comme un vulgaire touriste. Heureusement que j'avais le nez dans le guidon pour ce tour complet du vélodrome local.

 

L’EST DE XI’AN

 

Pour la suite, n'ayant trouvé localement aucun guide en anglais, je m'en remets, à ma grande honte, aux tours organisés (pas expérimentés depuis les sorties avec le collège !), que chaque hôtel propose avec un organisme local commun : l'est, avec la célèbre armée en terre cuite, et l'ouest. Je commence par le circuit ouest, celui de l’armée en terre cuite.

 

Il fallait s'y attendre pour le prix (3,5€ le transport de site en site, avec une jeune et charmante accompagnatrice balbutiant un anglais acceptable) : ce tour inclut des détours par deux emporiums. Je suis par chance tombé sur un petit groupe peu adepte de souvenirs, qui franchit ces étapes obligées au pas de charge, le cabas aussi vide à la sortie qu'à l'entrée, et tous, sauf un, a son panier-pic-nic au lieu de fréquenter le restau prévu. Si maintenant même les touristes Chinois ne jouent plus le jeu...

 

Après la visite d'une tombe, puis d'un temple à l'intérêt encore plus hermétique après les pancartes dans un chinanglais modèle du genre, voici enfin l'Armée ! Enterrée, telle une hache de guerre, et en terre cuite, ce qui la rend encore plus sympathique, faisant penser à ces reconstitutions en miniature de généraux nostalgiques (battus) en retraite. C'est quand même un spectacle, qui vaut amplement ses 9€ d'entrée.

 

L'intérêt des salles 2&3 échappe un peu au profane en excavation que je suis, mais à juger par le monde autour des rambardes, je dois bien être le seul non féru d'archéologie ce jour. Terre glaise passée au râteau, je ne m'y attarde que par politesse, et retourne à la première salle, une fois vaguement assimilés les rudiments archi-basiques du fonctionnement de l'appareil numérique fraîchement acquis à Xi'an, ce qui m'évitera de recourir parfaitement inutilement au flash sur des prises de 10 m de distance et plus.

 

Le tour termine sur le mausolée de l'Empereur Qin. Une jolie arnaque de 4€ ! A l'entrée du site, certes, une série de panneaux nous gave d'infos sur l'époque et de photos, tel un National Geographic (ou aussi bien une page web) en 3 dimensions en comptant les grenadiers du décor végétal (donnant ces fruits-torture qui demandent une heure pleine pour les dépiauter et sucer graine par graine). Puis l'on gravit une belle série de marches jusqu'au sommet d'un tertre artificiel... où de nouveaux panneaux se posent la question : le mausolée a-t-il été volé, ou brûlé ? Explication technique des diverses hypothèses, supputations et conjectures, en fait on n'est sûr de rien. Mais quasi-certitude que le tombeau est encore là-dessous, le fort taux de mercure indiqué par un appareil bourré d'antennes à la Gaston Lagaffe est là pour nous en convaincre - au fond, ce peut être aussi bien un détecteur factice aux poignées en plastiques chères à Coluche, et de toutes manières personne de l'assistance n'est en mesure (si l'on peut dire) l'interpréter les chiffres du cadran, dont une pichenette de l'index suffirait aussi bien à déplacer les aiguilles pour la plus grande joie des petits.

 

En bref, on paye 4€ pour admirer, sur une petite butte, un détecteur à métaux en pleine action ! Ça finance les piles alcaline pour le faire fonctionner... Bon, ne soyons pas mauvais joueur, selon l'habitude chinoise fréquente, ils ont organisé à intervalles réguliers un spectacle de danses traditionnelles (peut-être aussi respectueux de la réalité de l'époque que la série TV "Rome", ce qui ne nous rassure guère), avec tenues d'époque en carton bouilli (je suis méchant), chorégraphie sympa déroulée avec entrain par une bande de jeunes jouant leur rôle avec sérieux. Après tout, ça vaut largement Dysney Sydney. Et puis il paraît que, tout récemment, ils ont découvert le tombeau de la mère tout proche, peut-être grâce à nos sous, qui auront servi à quelque chose au lieu d'aller enrichir de gros et gras actionnaires ou fonds de pension.

 

L’OUEST DE XI’AN

 

Cette expérience ne m'ayant pas trop dégoûté des tours organisés, je m'inscris le lendemain pour le circuit ouest, moins prestigieux mais plus fourni. Et puis cette fois, pas de temps perdu dans des emporiums (temploriums ?), et retour à 20h avec une visite improvisée des extérieurs de la Tour de la Cloche illuminée dans le centre de Xian.

 

Comme la veille sa collègue, l'accompagnateur me donne le numéro d'immatriculation du bus, à retrouver sur le parking à la fin de chaque visite, d'autant plus utile que, soit la rotation de la terre et les marées affectent aussi les parkings de sites touristiques, soit les chauffeurs déposent les semi-grabataires que nous sommes à l'entrée, puis vont s'égarer, plutôt que se garer, dans un recoin inconnu du commun des mortels, faisant passer la moitié du temps des visites à ce rallye improvisé de la recherche du bon véhicule (surtout qu'ils sont comme les Chinois, ils se ressemblent tous). J'ai opté pour un moyen mnémotechnique infaillible : c'est le seul véhicule à n'avoir... aucune plaque d'immatriculation (ce qui a dû nous valoir le contrôle policier de tantôt), juste une affichette sur le pare-brise qui en fait office.

 

Au début (ça s'arrangera), mal minuté, leur circuit : alors qu'on nous laisse guère plus 12 mn (!) pour visiter un musée intéressant, celui de Xianyang, au terme insuffisant duquel la guide et le chauffeur viennent me récupérer (avec ménagement, un Chinois aurait été mis aux fers pour rester dans le contexte historique), on  passe plus d'une heure (plus, si mon comportement déviationniste petit-bourgeois dans le précédent musée n'avait retardé le groupe pour le site suivant) dans un mausolée presque quelconque, celui de Maoling, sans même un de ces charmants spectacles carton-pâte qui pourrait expliquer le délai - ah si, le temple-caché-dans-les-cyprès, que je prends pour les toilettes, puis corrigeant, pour la buvette, je suis pas tombé loin puisqu'on s'y abreuve aux sources spirituelles en s'y payant un bol d'encens. Le viandox tient quand même mieux au corps.

 

Comme la veille, le circuit mélange allègrement sites de premier ordre, et quasi attrape-nigauds, au moins on a la quantité, et la bonne idée de manger à l'entrée de la tombe de Qianling, vaste allée bordée de statues située sur une colline, et de terminer par le monastère et la pagode de Famen, un des grands temples bouddhistes sacrées de Chine. La visite d'une sorte de musée de cire bon marché dans le village des bâtisseurs d'une tombe impériale se révèle limite pitoyable, avec même un malheureux ours en cage, alors qu'ils auraient pu accentuer plus sur l'aspect ethnographique "pur", plus matériel et bâtiments que cire de pacotille montrant le folklore ya bon banania. Le plus frustrant, évidemment, étant de ne pouvoir suivre les explications qu'en chinois, qui fait échapper le sens de certaines visites.

 

LE CENTRE DE XI’AN

 

La dernière journée à Xi'an sera bus+pied, avec pour seule arme le plan de la ville en (partiel) anglais, qui montre bien les attractions principales. Pour cette fois, je ne ratisserai que le sud, avec les deux pagodes, le musée d'histoire, et deux autres musées, sans doute trop récents pour que le fond de carte les prenne en compte : le nouveau musée de Xi'an, commun avec la petite pagode, il s'agit en fait d'un deuxième musée d'histoire - sauf que là, pour des pièces parfois semblables, les photos sont interdites (de toutes manières, les pièces de jade qui en font la singularité sont trop minuscules pour être prises valablement avec mon zoom x5 dans la semi-obscurité). Enfin, le musée de la forêt de stèles, surtout renommées pour ses "tablettes", ces énormes pans de pierre polie sur lesquels les Empereurs successifs ont laissé trace de leur passage.

 

PHOTOS XI'AN

Temple Famen, Grande Mosquée, Grande Pagode

Musée des Stèles, Temple Daxingshan, Vieille Ville

Musée Petite Pagode, Tours de la Cloche et des Tambours

Murailles, Armée en Terre Cuite

Musée d'Histoire

Sites à l'Est de Xi'an

Sites à l'Ouest de Xi'an

 

SHANGHAI

 

Le soir, je retrouve l'ambiance bondée de l'immense gare de Xi'an. Les gares chinoises sont souvent monumentales, déjà parce qu'un train a rarement moins de 17 voitures souvent bien remplies par 'efficace système d réservation bien antérieur à celui du TGV, ensuite parce que les gens sont déjà là 2 ou 3h avant, enfin parce que personne ne gambade librement sur les quais : tout le monde s'installe dans une salle d'attente désignée, puis 15 mn avant l'arrivée du train, les portes s'ouvre, les poinçonneurs des Lilas exercent leur talent, et le passage souterrain mène aux quais, avec rappel du numéro du train en grand. Dernière vérification de l'agent accompagnateur de la voiture, peu de chance qu'avec un billet pour un train local on puisse s'embarquer dans un rapide pour l'autre bout de la Chine !

 

couple indien posant en tenue traditionnelle dans le Jardin Yu

 

Je n'ai pas pu avoir de couchette, et n'ai pu dégoter au mieux qu'une place assise de seconde. D'après une précédente expérience, je redoute ce voyage, surtout avec mes nombreuses sacoches et la roue arrière conservée, emballée dans le duvet et la tente. Ce train met un peu moins de 14 h pour plus de 1500 km, soit une vitesse commerciale de près de 110 km/h ! Car il ne faut pas imaginer les trains chinois lents, en tout cas sur les grandes lignes de l'Est, ce sont en fait les distances qui sont énormes, à la mesure de ce pays-continent (essayez de me trouver UN parcours européen de 3000 km atteignant 108 km/h, même avec un tronçon de ligne à grande vitesse - il est vrai que les trains directs de cette distance s'y font rates, snif le bon vieux Paris-Moscou, et que 3000 km suppose encore souvent des traversés de frontière hors Schengen, d'où attentes aux frontières. L'Europe, géant politique au service des fortunés, subsiste un nain politique et social). En plus, ils ont tendance à être aussi ponctuels gare après gare qu'un train SNCF (ou disons CFF/SBB, les trains suisses), après des parcours dont certains dépassent 4000 km (Shanghaï-Lhasa 4373 km). Quand on voit la densité du trafic, et notamment trains marchandises qui paraissent parfois prioritaires même sur un vulgaire rapide de voyageurs, on ne peut qu'apprécier la performance.

 

Finalement, dans la cohue mais avec la gentillesse de certains et l'honnêteté de tous, j'ai pu tout caser, et le coin-fenêtre (nombre multiple de 5) me permettra de dormir dans une position pas trop torticolisante. J'arriverai presque frais et dispo à Shanghai, pour une halte-visite expresse de 24 h. Dans la liste d'adresses d'hébergement possible, je repère une auberge de jeunesse pas trop loin d'une station de métro : se transporter à pied de lourdes sacoches vélo (dont une roue arrière !) à travers les rues d'une grande ville, c'est assez galère.

 

le "vieux" Shanghaï

 

Cette halte d'une journée est quasiment suffisante pour visiter Shanghai même : ville très moderne, l'intérêt touristique se concentre autour du Bund. L'ancienne ville semble avoir été entièrement dévorée par l'urbanisation, et surtout la buildignisation galopante, il n'en reste plus qu'un centre-croupion, un peu trop restauré, regorgeant surtout de boutiques haut de gamme pour le riche touriste chinois.

 

Le Bund ne présente pas un intérêt fantastique de jour. Personnellement, je n'y ai nullement trouvé la force évocatrice d'une époque révolue. Peut-être cela était-il plus sensible avant l'explosion économique de la ville, alors que le Bund offrait sans doute un visage très différent du reste de la ville, aux allures chinoises traditionnelles. La seule curiosité est... le quartier Pudong, résolument moderne, aux allures de Dubaï, de l'autre côté de la rivière. De nuit, il en va autrement, les buildings "Chicago 1936) étant abondamment éclairés. Mais là encore, les regards finissent inévitablement par se porter sur Pudong, l'avenir illuminé de Shanghaï.

 

Bien que notablement ravagée et "déconstituée/reconstituée", la vieille ville offre encore quelques îlots ayant péniblement échappé aux frénétiques bulldozers. Un peu comme si nous, sous prétexte de moderniser et de lutter contre l'insalubrité, on avait détruit l'ancien village gaulois de Lutèce, puis, plus tard, des fanatiques avaient tracé de larges boulevards rasant tout afin, entre autres, de lutter contre l'installation de barricades, ou si un dingue s'était mis à construire une tour métallique de 300 m de haut. Nous, au moins, nous sommes civilisés.

 

En fait, tout tient en deux sites, quasiment accolés l'un à l'autre : un minuscule temple, très fréquenté, et un petit parc paysager, que personnellement je n'ai pas trouvé aussi formidable que les guides, dithyrambiques, le laissaient entrevoir. Mais je venais d'espaces immenses, j'étais au bord de la claustrophobie dans ce parc-confetti coincé parmi les gratte-ciels et grues environnantes. Small is beautiful, et puis c'est à peu près tout de ce qui reste du vieux Shanghaï, il faut s'en contenter.

 

L'aéroport est relié au centre-ville par le Maglev, un train à sustentation magnétique. Le Guide du Routard l'annonce à 500 km/h, mais il doit s'agir de la vitesse record établie sur la ligne, en conditions optimales. En exploitation commerciale, la vitesse plafonne à 300 km/h, ainsi que l'atteste l'indicateur apposé dans chaque voiture. Peuh, pas mieux que notre vieux tortillard de TGV Atlantique, sur rails classiques. Rien ne vaut revisiter les bons vieux chaudrons (rails), au lieu de se gaspiller en technologies tape-à-l'oeil, sustentation magnétique ou autres.

 

PHOTOS SHANGHAI

Bund et Temple du Dieu de la Ville

Jardin Yu et "vieille ville"

 

 

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