ENTREE AU TIBET

 

Pour un touriste Etranger, le Tibet se divise actuellement en deux parties :

 

- Lhasa et sa région, ouverte à condition d'avoir un permis délivré par le TTB (Tibet Travel Bureau), faxé à l'agence auprès de laquelle vous achetez votre billet de train ou d'avion (compter souvent quelques jours). Je ne connais pas personnellement les prix, mais ça ajoute un minimum de 50€ (tarif "brut" du TTB avant supplément des agences) au prix du billet (plus souvent pas loin de 100), sachant que la ville la plus intéressante pour ce faire est Chengdu - mais que si vous n'avez rien à y faire, et que de Beijing ou Shanghai vous voulez aller directement au Tibet, mieux vaut carrément procéder depuis ces villes, même si ça coûte beaucoup plus.

 

- Tout le reste du Tibet, accessible uniquement avec l'habituel ATP (Alien Travel Permit). Dans les faits, cela équivaut à former un groupe avec guide patenté, et voyage en jeep, ce qui est très onéreux, je présume qu’on s’en tire difficilement en dessous de 600 €/personne, sans les frais annexes. Et à ma connaissance, il n’est pas accordé à des cyclos, même en groupe (sauf Lhasa-Kathmandu).

 

Voilà pour l'entrée légale. Pour l'entrée illégale, les "règles" fluctuent :

- en 2002, tous les cyclos se faisaient gauler et fortement taxer autour de Rutok, entre Kashgar et Lhasa/Kathmandu, sur la Xinjiang-Tibet Road : aujourd'hui, c'est peut-être le passage le moins risqué, presque toléré, au point que certains parlent précipitamment de « autorisé ».

- inversement, avant la construction de la ligne ferroviaire, et même lors des "années de plomb" 2002-2003, la Qinghai-Tibet Road, monotone route goudronnée face au vent Golmud-Lhasa par le nord, était pratiquement sans problème. Avec la concurrence (déloyale) du rail, cet axe a peut-être connu un regain d'intérêt de la part du PSB (Public Security Bureau), des cyclistes, pourtant entrés depuis plus de 100 km, s'en étant fait expulser. Mais à Nakchu, un autre agent du PSB m'a affirmé la "G109" comme ouverte - peut-être quand même pas aux cyclos, et sûrement pas dans le sens nord-sud... On devrait toutefois se diriger progressivement par une banalisation de l’accès par cette route, y compris pour les individuels.

 

Vu le nombre quasi-journalier de cyclos qui parcourent la "Frienship Highway" (Lhasa-Kathmandu), dont même des groupes dûment légaux, je doute qu'il y ait plus de problème qu'avant. Je ne sais même pas si les checkpoints subsistent toujours, hors contrôle des camions ou paiement de droits de parc national. Dans les faits, c'est la continuation de la région ouverte de Lhasa, et l'on peut même dormir dans les hôtels - mais se méfier si un Chinois ou un Tibétain très poli et parlant anglais vous pose des questions, par exemple à Shigatse : rester évasif, par prudence racontez que le vélo passe son temps sur la galerie de la jeep, etc... Par contre, venant du Népal, c'est INFAISABLE illégalement, car il faut disposer à la fois du visa d'entrée en Chine ET de l'ATP, car jusqu’à Shigatse on traverse une zone en théorie fermée (=ouverte uniquement aux "vrais" groupes encadrés).

 

Dans le cas des accès Est (depuis le Sichuan ou le Yunnan), il y a longtemps qu'on n'a pas entendu d’expulsion de cyclos empruntant la Yunnan-Tibet Road. Cet itinéraire est même parcouru  désormais également par des cyclos Chinois (qui, eux, ont le droit), badigeonnez-vous le visage en jaune. Pour autant, mieux vaut toujours éviter de s'y faire remarquer par le PSB, en stationnant plus que de raison dans les petites villes - a fortiori, ne pas y dormir.

 

L'accès à Chamdo par l'Est puis route Chamdo-Bamda (dénommée South Sichuan-Tibet Road) se raccordant à la Yunnan-Tibet Road peut être rangé dans cette catégorie. Chamdo étant l’un des principaux quartiers généraux du PSB au Tibet (avec Lhasa, Shigatse, Nakchu, Bayi), bien sûr ne pas y séjourner – mais on a tout le temps de faire des commissions, voire de visiter le monastère si l’on peut dissimuler un peu les vélos (chez un commerçant tibétain ?).

 

Les deux autres itinéraires partant vers l'Ouest de Chamdo, la North Sichuan-Tibet Road (Chamdo-Sok-Nakchu, s'y raccordant à la G109) et surtout la Old Chinese Road (Chamdo-Lhorong-Do Martang-Nakchu), sont peu fréquentés des Etrangers, surtout à vélo, et apparemment plus risqués : le PSB semble m'y avoir suivi pas à pas, me coinçant après Do Martang, et sur le point de le faire après Sok. Culturellement, ce sont par contre les deux itinéraires les plus intéressants. Il faut s'y faire petit petit, minuscule, sachant que même ainsi, le portable est devenu une redoutable arme de délation...

 

Pour la plupart, les fameux checkpoints, notamment aux ponts du Sichuan, ont disparu. De toutes manières, ils gênaient assez peu les cyclistes, sauf, une fois localisés, l'obligation de se lever très tôt pour les franchir. Donc, actuellement, pas trop à craindre en dehors des villes.

 

Où réside le problème d'une entrée illégale au Tibet ?

 

D'après ce que j'en sais, seuls les agents du PSB (Public Security Bureau, en charge de tout ce qui a trait à la sécurité comme son nom l'indique), parlant généralement anglais et très souvent d’ethnie chinoise (pas toujours, méfi !), semblent habilités à "appréhender" un Etranger en situation illégale : ils ne veulent pas risquer, par un balourd de policier ordinaire, l'expulsion d'un Etranger qui serait en fait autorisé à circuler ! En dehors des agents du PSB, tout citoyen, de préférence les Chinois, et bien sûr tout employé de l'Etat, doit être éduqué à signaler toute présence d'Etrangers. Sauf que la très grande majorité s'en fiche.

 

- Normalement, rien à craindre des militaires et de leurs interminables convois : encore un peu ils vous inviteraient à dormir dans leur caserne, avec thé en tête à tête avec le comanche ! En 2002, ce sont pourtant eux qui "rabattaient" les cyclos de la piste de l'Ouest (Kashgar) au PSB, mais nous étions dans l'après-11 septembre, non loin d'une région instable (Asie Centrale, Pakistan, Inde), avec un effet-domino alors possible. La sécurité du pays était réellement en jeu.

 

- Guère plus à craindre de la police "normale", dont les énormes jeeps en patrouille ou convoyant des officiels vous doublent et vous croisent à longueur de journée : ce sont très souvent des Tibétains, qui semblent entretenir des rapports distants avec leurs collègues du PSB. Ah, la guerre des polices !

 

Bien sûr, et c'est ce qui m'est sans doute arrivé deux fois, il y a la dénonciation d'un honnête citoyen, normal (jaune), Chinois mâle de 30-40 ans qui en a marre de voir ces sales Etrang... euh, rembobinez, on s'a gourré de pays. Bien pratique, le portable, avec numérotation automatique PSB ou FLD (F... Les Dehors !).

 

Pour l'essentiel, en évitant de trop traîner dans les petites villes, on réduit les risques de 90% : il s'agit de ces chefs-lieux de comté tous les 100-200 km, qui concentrent tous les services administratifs chinois - dont le PSB.

 

- surtout, ne pas y prendre de chambre d'hôtel ! Le personnel est obligé d'informer le PSB de votre présence... et un agent PSB obligé de venir vous contrôler, même si ça l'emm... dans 80% des cas (les meilleurs agents du PSB sont à Lhasa, la plupart des autres, sauf quelques jeunes arrivistes mis à l'épreuve, végètent dans des trous perdus tibétains, loin des fastes de la grande ville... chinoise, et font leur travail consciencieusement, mais sans zèle excessif). Ou alors, un "lüshe" tibétain, dortoir sans eau courante, avec toilettes dehors, qui ne sont pas en rapport avec le PSB.

 

- de manière générale, ne rester dans ces bourgs que le temps de faire ses achats, pas de station prolongée à la terrasse d'un café ! En fait, pour augmenter les chances de survie de son voyage au Tibet, il vaut carrément mieux dormir un peu avant la ville, et passer celle-ci très tôt (7h-7h30, voire avant si aucun achat) : un minimum de monde dans la rue, Chinois encore plus rares, mais quand même deux-trois épiceries d'ouvertes, pour les quelques produits que vous n'auriez pas dégotés dans les petits villages précédents - pour l'essence du réchaud, vous êtes coincés, souvent les seules pompes sont aux entrées de ces villes, rarement ailleurs. Ce peut sembler un excès de précaution, j'ai déjà traversé de ces bourgs de jour sans problème, mais la contrainte ne revient que tous les 3 ou 4 jours, et l'organisation matinale devient une routine. Ces chefs-lieux de comté représentent, je le répète, 90 à 95 % des risques potentielles de se faire pincer à eux seuls.

 

En navigant sur les récits internet des précédentes années, on peut se demander si le PSB n'aurait pas récemment des consignes de se montrer plus indulgents, comme préparant (après 2008-2009) une ouverture progressive du Tibet aux individuels - avec peut-être maintien d'un droit d'entrée. Autrefois, certains tombaient sur des fonctionnaires suspicieux, inquisiteurs, taxant plus ou moins fortement, il fallait négocier durement en pleurnichant sur son sort, certains se seraient même fait confisquer leur vélo (peut-être qu’ils avaient aussi eu une attitude arrogante de l’Occidental sûr de son « bon droit »). L'an passé, coincé par le PSB, je m'en tire avec l'amende basique de 200¥ (20€, à comparer avec le supplément fréquent de 50-100€ que représente rien qu’un permis pour Lhasa, sans parler des zones fermées) et un billet de bus de 90¥ à acheter, bus que personne n'a semblé vérifier si je le prenais ou non. Il est arrivé la même chose à un Japonais, qui a eu une amende de 300¥ malgré une présence minimale prouvée et non réfutable de 5 jours au Tibet, et comme moi a "fui" sans encombres.

 

Si, cette année, j'ai été "capturé" en plein milieu du Tibet, personne n'était là pour me cueillir à l'arrivée du bus, et je ne suis pas certain que c'était aussi involontaire que ça. A la fin de mon séjour, le PSB aurait pu me pincer aisément (ils pouvaient difficilement prouver que c'était moi qui venait de traverser une zone illégale, mais j'aurais peiné à prouver que j'étais entré légalement). Là encore, indulgence. Mais on peut toujours tomber sur le fonctionnaire appliquant sans état d'âme le strict règlement, ignorant de possibles recommandations non écrites de lointains supérieurs.

 

Dans tous les cas, si on vous arrête, rester humble, se confondre en excuses (les agents du PSB sont formés à estimer que, dans le doute, vous ignoriez que la zone vous était fermé), écrire toute "autocritique" demandé, et par prudence, minimiser un max la durée passée dans cette zone - une jeep ou un camion (pas un bus, il est assez peu crédible que les conducteurs, Chinois, vous aient laissé monter) vous aura prétendument emmené jusqu'à la dernière ville - l'amende étant théoriquement proportionnelle à cette durée. La plupart de ces agents sont déchirés entre leur devoir, et la sympathie spontanée qu'ils éprouvent à votre égard - et le fait de parler anglais, donc "votre" langue, de partager certains points communs (Beckham et Britney Spears) peut même encore plus rapprocher. Donc, rester "soft". Ça ne veut pas nécessairement dire que vous les embobinerez (le devoir reste souvent le plus fort), mais au moins vous ne vous les mettrez pas à dos, si jamais ils voyaient votre cas avec bienveillance. 

 

N’oubliez surtout pas : quel que soit votre jugement de valeur sur la politique de l’Etat chinois, ce que vous pensez du Tibet et de son « protecteur » quelque peu… envahissant (mais aujourd’hui, presque tous les Tibétains vivants n’ont connu que ça, et les autorités connaissent plus de problèmes avec les jacqueries de certains secteurs ruraux de la Chine, qu’avec les Tibétains), vous êtes DANS VOTRE TORT en étant illégalement au Tibet, vous êtes hors-la-loi, repris de justice et tout ça, ça incite à un peu d’humilité et profil bas. Surtout que, quoiqu’il en soit, ils restent toujours respectueux et courtois, une belle leçon pour notre police nationale (ou, pire, municipale) avec les bougn… et autres racailles à sarkeryzer. Toute la différence entre un pays civilisé en pleine ascension, et d’ex-puissances coloniales sur le déclin qui n’ont pas perdu leurs mauvaises habitudes et crispations d’antan…

 

On affirme ici et là que le Tibet s'ouvrirait bientôt complètement aux individuels, sans permis ni rien. J'ai un peu des doutes. Dans l'immédiat, ça me semble peu probable. D'abord, parce que c'est tout récemment que les autorités chinoises semblent tester une "ouverture non ouverte" (plus de facilité pour entrer légalement dans la zone centrale, et suppression des checkpoints pour l'entrée dans les zones illégales, sans rendre l'accès à ces zones comme légales). Ensuite et surtout, parce qu'on rentre, pour les Chinois, dans une période d'instabilité possible : 2008, avec les Jeux Olympiques de Beijing, où les partisans d'un "Free Tibet" essaieront par tout moyen de se faire entendre à un niveau mondial, enfin 2009, cinquantenaire de la "protection" chinoise du Tibet. Ca m'étonnerait que les Chinois choisissent ce moment pour laisser les Etrangers entrer comme bon leur semble !

 

Et puis, ça m'étonnerait que même après, les Chinois laissent tomber cette pompe à fric qu'est le touriste Etranger ! lls ont un peu moins à craindre d'émeutes de Tibétains, de plus en plus résignés, donc moins besoin de voir les touristes Etrangers encadrés, mais il n'y a aucune raison qu'ils laissent tomber le système de permis, qui fonctionne globalement et va devenir, à la longue, la principale source économique du Tibet. Avec l'augmentation du tourisme chinois, les principales zones tibétaines (et l'hôtellerie) risquent plutôt la saturation, donc je ne vois pas pourquoi ils se précipiteraient à laisser entrer les Etrangers n'importe comment, alors que les infrastructures touristiques ne sont pas à niveau pour un tel afflux.

 

A la limite, je verrais plutôt un accès de la zone centrale (Lhasa) autorisé officiellement pour les individuels, moyennant toujours un système de permis plus simple à obtenir dans une agence de voyage, et une extension progressive de cette formule assouplie à certains axes d'accès : Golmud-Lhasa, Kunming-Lhasa (la route la plus sinisée des voies d'accès), voire Kashgar-Lhasa et Kathmandu-Lhasa. Mais pas avant 2010 selon moi.

 

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